Une série qui a du mordant !

En apprenant la sortie début 2020 de la nouvelle série Netflix, Dracula, j’ai tout d’abord pensé que c’en était trop. Après plusieurs adaptations au cinéma (dont le très bon Dracula de Francis Ford Coppola en 1992), le roman de Bram Stoker publié en 1897 se retape un nouveau traitement. Voilà des décennies qu’on bouffe du vampire à toutes les sauces, difficile de surprendre. Puis, j’apprends que les créateurs de la série sont Steven Moffat et Mark Gatiss, deux anglais ayant déjà adapté une autre histoire issue de la littérature du 19ème siècle au travers de l’excellente série Sherlock. Mmmh… peut-être que le visionnage vaut le coup finalement. Avec peu d’espoir en poche et une envie mitigée, j’appuie sur « Play ». Et là…

Jonathan Harker (John Hefferman) se rend chez le comte Dracula (Claes Bang) en Transylvanie pour finaliser l’achat de terrains dans la région de Londres. Etrange au possible, le comte va puiser l’énergie vitale de son invité dans un but bien précis ; gagner l’Angleterre pour y asseoir sa suprématie… et sa soif de sang.

Bon, on connaît tous l’histoire de Dracula dans les grandes lignes. Le film de Francis Ford Coppola est souvent considéré comme l’un des plus fidèle à l’œuvre de Bram Stoker, non sans garder un certain aspect libertaire. Qu’est-ce que donne la série de 2020 sur ce point-là ?

Une baffe… une claque… que dis-je, un kick in face absolu et total. Pour construire leur histoire, on dirait que Steven Moffat et Mark Gatiss ont pris l’œuvre de Stoker, l’ont démantelée et ont remonté le tout à leur sauce. Le résultat de cette nouvelle adaptation est simplement… bluffant.

Cette minisérie compte trois épisodes d’environ 1h30 chacun, une structure bien connue des scénaristes pour une construction en trois actes… et cela fonctionne. Même si le temps peut paraître long pour chacun des épisodes, n’en reste que l’on ne s’ennuie pas une seconde, si ce n’est durant une petite partie du troisième, mais j’y reviendrai.

Le premier point extrêmement fort de cette série est donc son adaptation. Un véritable dépoussiérage de l’œuvre de Stoker vous attend, avec une conception entièrement « Made in Moffat/Gatiss », incluant un humour à l’anglaise, des plans magnifiques, des personnages bien écrits et intéressants, le tout nous apportant un vent de fraîcheur non négligeable.

Second point à ne pas louper ; les acteurs. Dans le rôle-titre, Claes Bang mord l’écran à pleines dents en nous présentant un Dracula avide de punchlines finaudes, de meurtres sanglants et de plans machiavéliques. Avec un faux-air de Bela Lugosi (interprète du comte dans le film de 1931), son charisme et son petit sourire ponctuant certaines conversations convainquent totalement. En plus de cela, l’écriture du personnage a été faite de telle manière que nous décelons une profondeur bienvenue pour ce rôle.

Face à cet être des ténèbres, la Sœur Agatha, interprétée par Dolly Wells. Il s’agit ici de la Clarice Starling du couvent, de la profileuse de monstres avant l’heure et de celle qui apporte une antagoniste féminine dont le comte ferait mieux de se méfier. Dès sa première apparition, cette actrice parvient à nous embarquer dans sa manière de penser, nous offrant des lignes de dialogues empreintes de psychologie et d’humour.

Jonathan Harker est joué par un John Hefferman pour qui l’on ressent tout de suite une certaine empathie. Ses mésaventures dans le château de Dracula vont littéralement le détruire et c’est donc avec une certaine compassion que nous suivons ses misères. Mina est interprétée par Morfydd Clark et nous gratifie d’une jolie prestation. Quant à Mark Gatiss… il fait une apparition remarquée dans le troisième épisode dans le rôle d’un personnage que j’apprécie particulièrement dans l’œuvre de Stoker. Je vous laisse le soin de découvrir tous les autres protagonistes qui ne faiblissent aucunement dans chacun de leur rôle.

Bonne adaptation et bon casting, j’en suis le premier étonné ! Et pourtant, cela ne s’arrête pas là ; la narration de cette minisérie nous transporte dans l’œuvre de Stoker tout en lui passant un splendide coup de chiffon. La manière de nous raconter cette histoire envoie également du lourd.

L’utilisation d’un interrogatoire dans le premier épisode nous aide à comprendre le fil narratif du récit tout en nous développant les personnages présents. Avec quelques coups de théâtre en cours de route, c’est la manière idéale de débuter cette histoire, nous faisant plonger dans la psychologie même du comte Dracula et de sa manière d’appréhender les choses.

Dans le second épisode, c’est une véritable mise en scène à la sauce Agatha Christie qui nous attend. Les protagonistes confinés dans un endroit clos, tout le monde suspectant tout le monde, des personnalités aussi variées qu’inattendues, il s’agit de conserver notre attention sur l’histoire… et ça fonctionne ! Cela en nous incluant à nouveau quelques surprises comme la finalité de la partie d’échecs.

Pour le troisième épisode… je vous laisse le soin d’ouvrir le paquet vous-même car franchement, le final du second ne vous laissera pas de glace et vous serez alors en mesure de découvrir toute l’étendue du talent des créateurs de cette série pour le dernier acte.

En conservant cet axe de narration franchement bonnard, on se retrouve pris dans la tourmente délicieuse de cette histoire d’un homme devenu un monstre. Qui est-il vraiment ? Que veut-il ? Quel est son but ? Comment réfléchit-il ? Tant de questions qui trouvent leurs réponses durant le récit, permettant de nous amener vers une fin cohérente, bien que rapidement amenée.

Dans une série qui parle de vampire, est-ce que le sang coule à flot ? Là encore, on ne se fiche pas de nous. Les exactions du comte sont sans compromis et font gicler de l’hémoglobine un peu partout. Bestial mais au fond si instruit, Dracula fond sur ses proies non sans jouer quelque peu avec elles avant de les becqueter. Les transformations du comte ne sont pas en reste et sont visuellement bien fichues.

L’ambiance de la série nous transporte donc des terres inhospitalières de Transylvanie à un bateau perdu au milieu du brouillard en passant par les rues de Londres. De manière générale, on sent bien l’influence des créateurs, donnant à la série un rendu intelligemment moderne tout en conservant l’essence du matériau d’origine. On se retrouve alors dans un drame surnaturel, teinté d’humour et d’horreur ; un régal quoi !

Aucun point négatif ? Une fin rapidement amenée (bien que donnant des explications cohérentes) et un passage à vide dans le troisième épisode ont occasionné chez moi une baisse de rythme. Cette latence dans le dernier acte vient de la présentation de nouveaux personnages en mettant de côté celui du comte alors que son évolution est manifeste à son retour à l’écran. J’aurais sans doute aimé en voir un peu plus, surtout qu’il se lie avec un personnage bien connu et que cette relation aurait pu être un peu plus développée. Mais là, je chipote ; c’est le fan de Dracula frustré qui parle.

Bien qu’étant manifestement de l’excellent matériel télévisuel, à tel point que je vais surveiller de très près le travail de Messieurs Moffat et Gatiss, Dracula ne compte que trois épisodes. Certes, ils se clôturent comme il se doit, mais cela suffira-t-il pour que cette histoire en devienne impérissable ? La vie éternelle numérique existe, mais restera-t-elle dans les mémoires pour autant ? C’est un peu le problème des produits télévisuels d’aujourd’hui ; tout peut passer très vite. Mais avec sa consistance et son coup de balai, Dracula restera, j’en suis sûr, mentionnée dans les bonnes adaptations du récit de Bram Stoker.  

Cette minisérie ne se borne donc pas à simplement planter ses crocs dans un bête arc horrifique qui aurait été du plus mauvais goût. On parle psychologie, tactique, machiavélisme, recherche de soi et cohérence entre nos actes et qui nous sommes réellement. Avec ses nombreux thèmes, la fin n’en devient que plus intéressante, permettant, je l’espère, quelques débats amicaux avec ceux qui ont visionné la série. Plus que simplement nous faire frissonner, nous sommes conquis par la consistance donnée à l’histoire.

Moi qui pensais tomber sur un énième récit de vampire me rapprochant d’un état exsangue, je me suis bien planté (un pieu dans le cœur). Un comte au sommet de sa forme, des acteurs superbes, des intrigues à double-fond, une belle photographie et une adaptation moderne et prenante, voilà ce que peut vous offrir ce Dracula en 2020 ! Avis à tous les fans de suceurs de sang, aux inconditionnels de Bram Stoker et à tous ceux qui ont un t-shirt « Sherlock » chez eux ; cette série ne peut certainement que passer.

Si les créateurs veulent continuer d’adapter des histoires littéraires du 19ème siècle, c’est un grand OUI !

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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