Inspirez... expirez... ça va bien se passer

Le premier film, sorti en 2016, bousculait toutes les conventions ; home invasion inversé, antagoniste aveugle à la dangerosité extrême, scénario à ressorts ; tout était présent pour nous offrir 88 minutes de tension pure. A l’annonce de la sortie d’une suite, normal de s’y intéresser vu le coup d’éclat de Don’t Breathe ! Réalisé par Rodo Sayagues sur un scénario de lui-même et de Fede Álvarez (réalisateur du premier opus), Don’t Breathe 2 débarque en 2021. Allons-nous encore battre des records d’apnée pendant le visionnage ? Comment appréhender cette suite ? L’obscurité sera-t-elle toujours notre pire ennemie ? On éteint les lumières et on se lance dans la critique ! ATTENTION : cet article contient des spoilers

Huit ans ont passé depuis le cambriolage dans la maison de Norman Nordstorm (Stephen Lang), un aveugle aux pratiques violentes voire barbares. Ce dernier vit maintenant avec une fillette, Phoenix (Madelyn Grace), dans une maison isolée. Tout semble bien se dérouler jusqu’à ce qu’une bande de malfrats pénètrent dans la demeure pour kidnapper la gamine. Norman va devoir alors user de ses connaissances en décimation d’intrus pour empêcher que le pire ne se produise.

Là où le premier film brisait bon nombre de conventions en nous présentant une histoire tendue comme un string du début à la fin, ce nouvel opus démarre sur les mêmes principes en faisant de l’antagoniste principal du premier métrage… le « héros » principal. Il faut dire que l’idée de passer de « méchant » à « gentil » est sérieusement couillue et que cela dénote une volonté d’à nouveau nous bluffer, nous, spectateurs.

On démarre donc en nous présentant le quotidien de nos deux personnages principaux. Vivant dans une maison isolée, Norman tente du mieux possible de s’occuper de Phoenix tout en étant un tantinet trop protecteur, empêchant la fillette de vivre une vie à l’extérieure avec des amis et des jeux de son âge. Situation que Hernandez (Stephanie Arcila) constate lorsqu’elle passe chez eux pour venir chercher des plantes, Norman s’étant apparemment reconverti dans le jardinage.

Il est indéniable que cela fait plaisir de revoir Stephen Lang dans le rôle principal. Cependant, même s’il conserve cette aura mystérieuse et dangereuse, il est difficile de concevoir son statut de père adoptif de la jeune Phoenix, personnage interprété sobrement par Madelyn Grace. Tous deux ont une relation apparemment compliquée et le besoin d’émancipation de la jeune fille se fait clairement ressentir.

Mais ces problèmes du quotidien n’étaient rien par rapport à ce qui arrive. Une bande de malfrats s’introduit chez Norman pour kidnapper Phoenix. L’homme aveugle décide donc de passer à l’action non sans avoir découvert que les salopards ont tué son chien, Shadow. Commence alors une traque au cœur même de la maison dont certains bad guys ne se remettront pas.

Puis, on change de décor, les kidnappeurs étant parvenus à s’enfuir avec la fillette. Norman trouve un moyen de les tracer et décide d’en finir avec eux. Entre temps, nous apprenons la vérité sur les origines de Phoenix (qui ne surprennent qu’à moitié) et découvrons avec horreur les véritables raisons de son kidnapping. Tout comme dans le premier film, l’ambiance n’est pas à la fête et la cruauté ne connaît, apparemment, aucune limite.

Norman parvient cependant à retrouver la planque des kidnappeurs et arrive facilement à s’en débarrasser, cela nous conduisant jusqu’à un final auquel on s’attendait et une scène post-générique qu’il était facile de découvrir avant de la visionner. Mais, au bout du compte, à quoi tout cela a-t-il servi ?

Eh bien on ressent tout d’abord une volonté d’amnistier le personnage de Norman. Ses actes dans le premier opus étaient tout simplement atroces et la véritable question est de savoir si une rédemption est possible. A mon sens, malgré tout ce qui est entrepris par le bonhomme pour sauver la fillette et bien qu’il effectue une confession finale en bonne et due forme, cela n’empêche pas que plusieurs choses ne fonctionnent pas dans cette suite.

Tout d’abord, l’empathie ne fonctionne envers aucun personnage. Dans le premier film, notre souffle était coupé autant que celui des cambrioleurs mais ici, que dalle ; le statut passé de Norman nous empêche de voir une possibilité de sympathie à son égard (surtout qu’il n’est pas gentil, gentil avec Phoenix) ; l’identité des kidnappeurs (les véritables parents de la fillette) nous conforte définitivement dans le fait de ne pas les apprécier ; et même la petite Phoenix n’a pas notre empathie pleine et entière, cette dernière subissant le terrible syndrome du cul entre deux chaises et se méfiant de tout le monde de manière permanente.

Les seuls personnages pour qui l’on pourrait ressentir un attachement sont Hernandez (partie trop tôt) et les toutous du métrage… mêmes pas crédités au générique ! Non, mais sans blague ?! Je pourrais m’arrêter ici, mais ce n’est malheureusement pas tout.

Le scénario se veut plus simple que précédemment, cherchant uniquement à créer une bousculade des conventions dans son ensemble et pas dans son traitement. Ce sont donc des scènes déjà vues qui vont nous être présentées, même si l’on apprécie le côté tendu, bien présent, et l’aspect horrifique. Qui plus est, l’esthétique du film est bien fichue, jouant toujours aussi habilement avec les plans dans l’obscurité pour bien nous caler dans l’ambiance.  

Mais toute cette croisade visant à sauver Phoenix n’a finalement pas vraiment de sens, le film se contentant de nous présenter un personnage déjà connu dans une situation différente. De plus, aucun lien avec le premier film ne vient titiller notre mémoire. Au début, j’ai tout de suite pensé que Phoenix n’était ni plus ni moins que la petite sœur de Rocky, la jeune fille du premier opus. Je m’attendais à un twist nous présentant la grande frangine ayant fait appel à des kidnappeurs pour récupérer sa petite sœur, le métrage se terminant sur un duel entre elle et Norman, elle se bandant les yeux pour être à armes égales, ayant eu huit ans pour s’entraîner à se battre dans l’obscurité la plus totale afin d’être prête à rencontrer son tortionnaire. Ben… il n’en est rien (et avouez que comme ça, ça aurait claqué !).

Cette réflexion m’a pourtant poussé à trouver une corrélation avec le premier film. Dans ce dernier, Rocky essaie de sauver sa petite sœur d’un environnement familial toxique, ce qui la pousse à commettre le cambriolage chez Norman. Dans le métrage présenté ici, Norman tente de sauver sa fillette d’adoption d’une famille toxique (voire mortelle) pour lui offrir une vie meilleure. Les deux personnages principaux des films se trouvent être en quête de la même chose ; offrir à un être innocent une chance de ne pas grandir dans un contexte délétère, quitte à enfreindre les règles pour le faire.

Si l’on pousse la réflexion jusque-là, le film en lui-même peut trouver une certaine rédemption, ce qui ne sera apparemment pas le cas de Norman. En voulant pousser les codes établis tout en restant sur des rails préétablis, l’histoire qui nous est contée nous importe peu et, finalement, ne nous fait pas ressentir une tension semblable à celle que nous avions pu connaître avec le premier opus.

Bien que traitant de thèmes pourtant cossus (la notion de bien et de mal, l’identité d’une personne entre la génétique et le cœur, la volonté de sauver une vie pour tenter de racheter la sienne), le film ne semble pas réellement décoller et se visionne d’un bout à l’autre simplement, nous faisant pousser un soupir de soulagement à la fin, suivi immédiatement d’une flopée d’idées se bousculant dans notre tête sur « comment il aurait été possible de faire autrement ». Si troisième opus il devait y avoir, serait-il possible de raviver l’intérêt ?

Nettement en-deçà de son grand frère, Don’t Breathe 2 ne nous coupera pas la respiration comme son prédécesseur. Bien que l’histoire soit glauque, que la tension soit présente (moindre qu’avant, mais présente), que Stephen Lang soit toujours aussi impressionnant et que on décèle clairement une volonté de bousculer une nouvelle fois les standards du genre, la finalité ne laisse aucun doute ; il y avait sans doute moyen de faire autrement. Trop de questions morales et un surplus d’interrogations sur le but de tout cela encombre notre cerveau au détriment d’une bonne histoire.

Bon, j’éteins et je vais me coucher.

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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