Enfer communautaire

En se basant sur le webtoon créé par Kim Yong-ki, une série débarque sur les écrans en 2019 titrée Strangers from Hell, avec une présence sur Netflix à partir de 2020. Durant dix épisodes, nous suivons un jeune homme arrivant à Séoul pour un nouveau travail et se retrouvant dans une résidence où vivent d’autres personnes… comment dire… assez dérangées. Avec Lee Chang-hee à la réalisation, ce thriller psychologique va-t-il nous surprendre ? La vie en communauté, est-ce si compliqué ? Que pensez-vous de vos voisins ? Fermez votre porte à clé et lancez-vous dans la critique.

Yoon Jong-woo (Im Si-wan) est un jeune homme s’installant à Séoul après avoir décroché un stage dans l’entreprise de l’un de ses amis. Ecrivain en herbe, il souhaite développer un roman policier mais n’a pas assez de moyen pour trouver un appartement décent. Il se retrouve dans la résidence Eden, le seul endroit collant à son budget, tenue par Eom Bok-soon (Lee Jung-eun), une femme un peu excentrique mais de prime à bord sympa. Seulement, les autres résidents semblent bizarres, voire dérangés, et certains d’entre deux disparaissent sans laisser de traces.

L’histoire démarre gentiment avec Jong-woo dont nous faisons la connaissance dans les premières minutes. Ramant pour trouver un appartement dans ses moyens, il finit par prendre une chambre dans la résidence Eden, ce qui donne l’occasion de découvrir la charmante petite équipe composant ce lieu qui se trouve être, et c’est peu de le dire, en mauvais état.

Bok-soon (Lee Jung-eun) est donc la propriétaire souriante de cet endroit, bien que semblant cacher un terrible secret derrière ce visage si radieux ; Gi-hyeok (Lee Hyun-wook) habite au 302 et ne fait pas long feu ; Deuk-jong et Deuk-soo (Park Jong-hwan), sont les jumeaux des chambres 306 et 307, l’un complètement à la masse et l’autre plus taciturne ; Nam-bok (Lee Jong-ok), pervers notoire habitant au 313 ; et Hee-joong (Hyun Bong-sik), un malfrat patibulaire habitant au 310.

Tout ce petit monde ne serait pas au complet sans la présence de Moon-jo (Lee Dong-wook), un dentiste au regard malsain, avec un comportement passant du pote sympa pour l’apéro à l’assassin sadique sans scrupule. Franchement, dans cette résidence, y’a de quoi devenir dingue.

Revenons à notre jeune Jong-woo. Forcé d’habiter temporairement dans cet endroit, cela lui donne l’occasion de travailler dans l’entreprise de son ami Jae-ho (Cha Rae-hyung) comme stagiaire. Seulement, ses collègues ne sont pas au top de leur forme ; Byeong-min (Kim Han-jong), le supérieur direct de Jong-woo, est antipathique au possible ; Yoo-jeong (Oh Hye-won), collègue féminine trouvant le petit nouveau trop kawaï ; et Sang-man (Park Ji-han), dont on n’entend pas trop parler.

Mais voilà ; Jong-woo peine terriblement à s’intégrer dans son nouveau travail et remarque même que son ami, maintenant patron, a pris la grosse tête. En ajoutant à cela sa vie dans la résidence Eden qui est passablement compliquée depuis que des habitants disparaissent, la fragile personnalité de notre jeune écrivain en prend en coup. Heureusement, il peut compter sur le soutien de sa petite amie, Ji-eun (Kim Ji-eun)… mais pour combien de temps ?

Et c’est là que Strangers from Hell prend sa forme. Oui, j’en ai bavé pour écrire les noms de tous les personnages (le Coréen, ‘c’est pas rien), mais il fallait bien cela pour montrer toute la complexité du scénario. Car c’est à partir de tous les protagonistes que le personnage central, à savoir celui de Jong-woo, va pouvoir évoluer et être le sujet de toutes les attentions.

Chaque personnage est une pièce de puzzle qui va faire corps avec le développement du comportement de Jong-woo, ce dernier suspectant grandement les autres résidents d’entrer dans sa chambre en son absence ou de parler dans son dos. Typiquement, le comportement de Deuk-jong, toujours à rigoler et à se moquer, d’ordinaire normal pour une personne souffrant de retard mental, va grandement affecter Jong-woo.

Dès lors, la normalité devient une ennemie de laquelle il faut se méfier. Chaque personne peut potentiellement être une menace, à l’instar de Nam-bok qui se tient devant la porte de notre jeune stagiaire, un couteau à la main. Ce qui paraît être des déviances pouvant se régler à coup de dialogue ou d’appel à la police deviennent des problèmes grandissants, forçant Jong-woo à se contenir pour éviter de basculer.

Ajoutons encore à cela une enquête de police effectuée par l’agent Jung-hwa (Ahn Eun-jin) sur les disparitions de chats dans le quartier de la résidence Eden et on obtient une usine de feux d’artifices dont on viendrait juste d’allumer la mèche. Heureusement, Jong-woo peut compter sur l’écoute de Moon-jo, le dentiste du coin. Mais cet intérêt est-il vraiment dénué de tout objectif diabolique ?

Encore une fois, on peut dire qu’en matière de personnages, la Corée du Sud fait dans la dentelle. Possédant chacun une histoire bien à lui, les protagonistes servent tous à quelque chose et c’est avec une certaine délectation que nous en apprenons plus sur eux à chaque épisode. En matière de thriller, on peut dire que c’est bien ficelé.

En nous agrémentant le tout de scènes de tension bien construites (vous reprendrez bien un peu de viande épicée ?), le moindre regard de coin échangé dans un couloir peut déclencher une guerre absolue. On en vient à se méfier de tout le monde, tout comme Jong-woo. En apprenant, qui plus est, les intentions de son ami et le peu de considération de son entourage, on s’identifie à ce personnage qui se rend compte qu’autour de lui, tout le monde est suspect.

Notre tension monte en même que celle du protagoniste principal jusqu’à un final à la fois libérateur… et tordu. Attention, hein, pas dans le mauvais sens du terme. « Tordu », j’entends par là qu’on se fait bien avoir et que cela rend les choses étrangement satisfaisantes bien que fondamentalement dérangeantes. Je vous laisse savourer.

Avec des personnages aussi profonds, il faut avouer que le rythme avance à pas de loup. On a l’impression d’assister parfois aux mêmes scènes que précédemment, ne changeant qu’un détail pour que cela puisse permettre de faire évoluer tel ou tel personnage. Le rythme, cela dit idéal pour l’option du thriller, peut en rebuter certains, décrochant au bout de quelques épisodes.

De manière plus personnelle, j’ai trouvé que cette série était assez dérangeante pour nous accrocher, mais pas assez horrible pour nous convaincre. Les résidents d’Eden sont tous frappés à leur manière, mais là où ils pouvaient horriblement se démarquer par leurs singularités, on loupe le coche. Je pense notamment au méchant principal de la série pour lequel on peut faire le même constat ; assez dérangeant pour nous intriguer mais pas assez terrible pour nous effrayer.

Cependant, c’est la série idéale à regarder à l’occasion d’un série-club pour ensuite en discuter car les thèmes sont, bien entendu, nombreux. Il faut commencer par le principal ; est-ce que l’environnement dans lequel nous évoluons peut radicalement nous changer ? La base ultime de la série se fonde sur « L’enfer, c’est les autres », citation célèbre de la pièce de théâtre Huis clos de Jean-Paul Sartre. Finalement, dans d’autres circonstances de vie, les choses auraient-elles été différentes ?

Qu’est-ce qui nous façonne ? La vision que les autres ont de nous ? La vision que la société a de nous ? Ce que certaines personnes disent de nous ? Le cadre social, matériel ou affectif dans lequel nous vivons joue-t-il un rôle ? Tant de questions soulevées dans cette série qui trouvent une réponse, du moins pour le personnage de Jong-woo.

Au-delà de ça, on sent également une critique sociale de certains quartiers de Séoul ainsi que du travail de l’administration publique, les enquêteurs de police semblant passer pour des feignasses profondes et laissant le soin d’enquêter à de simples agents… pour les réprimander s’ils le font sans les en informer. Tant à titre psychologique que social, la série s’appuie sur quelques arguments bien placés pour remettre les choses en question. D’ailleurs, une analyse complète serait sans doute extrêmement pertinente.

Si vous aimez les thrillers avec des personnages bien construits et une histoire qui met assez de temps à se mettre en place pour être cohérente, bondissez sur l’occasion de regarder Stranger from Hell. En mettant la barre relativement haut, on obtient une affaire pertinente qui pousse à la réflexion et qui peut, si on le souhaite, nous interroger également sur notre vision par rapport aux autres.

‘C’est pas tout ça, faut que j’aille demander du sucre au voisin.

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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