L'intérêt d'une malédiction

Tout commence en 2000. C’est une histoire de meurtres atroces, de revenants particulièrement retors et de maison habitée par une terrible malédiction. Takashi Shimizu réalise Ju-on, un film d’horreur destiné au marché vidéo, tout comme sa suite la même année. Au vu du succès, deux métrages destinés au cinéma sont réalisés par notre même Master of Horror japonais et sortent respectivement en 2002 et 2003. D’autres films japonais de la même série et un remake (du même réalisateur) et ses suites plus tard, The Grudge revient hanter nos écrans en 2020. Réalisé par Nicolas Pesce (déjà au fait de The Eyes of My Mother et Piercing), c’est à la fois un préquel et midquel de la franchise américaine démarrée en 2004. Bref, c’est un peu le foutoir. Mais l’horreur peut-elle tout de même être au rendez-vous ? Y a-t-il un quelconque intérêt dans cette malédiction ? Les fantômes ont-ils toujours la cote ? On éteint la lumière et on se lance dans la critique.

En 2006, l’inspectrice Muldoon (Andrea Riseborough) enquête sur la mort d’une femme dans sa voiture en plein milieu de la forêt. Malgré la désapprobation catégorique de son coéquipier Goodman (Demián Bichir), ses investigations vont la mener dans la maison du 44 Reyburn Drive, un lieu réputé maudit, où elle va faire une terrifiante découverte, faisant remonter l’origine de cette terrible histoire de malédiction à l’année 2004.  

Comme les autres films de l’univers Ju-on, la narration est non linéaire. Nous sommes donc balancés entre les années 2004 et 2006, non sans que nous parvenions à nous y retrouver. Cette manière de présenter le métrage permet notamment de conserver l’attention du spectateur en laissant en suspens quelques intrigues, mais également de mettre le bazar dans le cerveau de ce dernier pour lui donner un sentiment de perte de repères.

Mais nous ne sommes pas ici pour débattre de la manière de construire un film. Que donne effectivement The Grudge ? Je vais être tout à fait franc avec vous ; le film de 2002 (Ju-on) m’a clairement empêché de dormir pendant un moment et le remake de 2004 (The Grudge) a été une claque terrifiante augmentant mon stock d’ampoules. Ce nouveau film devait donc, techniquement, être tout aussi terrifiant.  

Eh bien… commençons par les acteurs. L’inspectrice Muldoon doit gérer son fils et la mort récente de son mari, mais le personnage semble peu profond par rapport à ce qu’il était possible de faire. Goodman s’en tire bien avec sa mine patibulaire et sa peur liée au 44 Reyburn Drive, nous faisant développer une sympathie envers lui, même s’il n’est pas foncièrement creusé. Peter Spencer (John Cho), agent immobilier de son état, se réveille un peu tard. Son épouse Nina (Betty Gilpin), enceinte jusqu’aux yeux, est l’un des seuls personnages pour qui notre empathie passe un cran au-dessus.

La présence de Lin Shaye (série des films Insidious) dans le rôle de Faith Matheson fait plaisir sans nous faire réellement vibrer ; Lorna Moody (Jacki Weaver), une accompagnatrice de fin de vie, a un regard flippant et apporte un peu d’émotion ; et l’inspecteur Wilson (William Sadler) sombre dans la folie non sans nous convaincre qu’il en fait un peu trop.

Bref, au niveau personnages, ça ne casse pas des briques. Tous aux prises avec la malédiction d’une manière ou d’une autre, on ne s’attache pas vraiment à eux et on passe notre temps à essayer de découvrir de quelle manière ils vont se faire occire de notre écran. S’il n’y a pas d’empathie envers les protagonistes, l’effet horrifique fonctionne nettement moins bien.

Côté histoire, je me pose encore la question du pourquoi de la création de ce film. Rien de probant n’est apporté par rapport aux histoires précédentes si ce n’est de la nouvelle chair à canon pour esprits vengeurs. On suit donc une histoire, certes bien construite, mais sans aucun intérêt. La malédiction est transposée dans un nouveau cadre mais toujours avec les mêmes conséquences, sans surprise. Même la fin est prévisible à quelques kilomètres et seule l’image finale alors que démarre le générique nous laisse une étrange impression d’inconfort. Sinon, c’est tout.

On se retrouve pourtant bien dans un film d’horreur ; ambiance pesante, jump scares trop faciles mais présents, scènes sanglantes, morts atroces, l’appellation « horrifique » peut donc être conservée. Une des plus grosses déceptions est l’absence de fantômes interprétés par des acteurs asiatiques. La puissance des films précédents venait grandement de cela. Ici, pas de Kayako ni de Toshio. Pas non plus de cri glauque distinctif émanant d’un spectre livide et aux yeux révulsés. Juste des apparitions souvent bourrines et clairement à la sauce horrifique de ces dernières années, sans le punch présent dans les films de Takashi Shimizu.

Peu de matière et des scènes résolument horrifiques ; la question est donc « Est-ce que The Grudge fait peur ? ». Après un visionnage à heure tardive et quelques sursauts (Jump Scares Rulz), aucune présence fantomatique dans mon esprit. Pas de flashs ni de sons impertinents sortant de mon imaginaire pour venir titiller mon épine dorsale. Cette version de 2020 ne laisse aucune empreinte contrairement à ses aînés.

En traitant de sujets comme le deuil, l’avortement, l’amour même après cinquante ans de mariage et l’implacabilité de la mort, le film aurait pu être moins avare en suspense et intrigues relatives aux différents personnages. Mais non, on se borne à simplement nous montrer toute une équipe qui déambule entre la maison et leur domicile avant d’être victime de la malédiction ramenée tout droit du Japon.

Faire peur est clairement ce que cherche à faire le film, sans prendre le temps de poser des fondements concrets qui apportent une énergie et une ambiance totalement différentes. Si c’est pour voir des gens se faire poursuivre par des spectres peu enclins à taper la discut’ sans avoir une potentielle consistance dans le récit, autant se lancer mais honnêtement, ça ne vaut pas le coup. Mieux faire se refaire toute la série de film depuis 2002… et ne pas oubliez d’omettre celui-là.

Cette version 2020 de The Grudge n’apporte rien à l’histoire et encore moins au cinéma. Acteurs dont on se fiche trop facilement, histoire bien construite mais peu consistante, aucun cri rauque qui faisait la fierté de la franchise, c’est une émancipation ratée de cet univers pour le transposer ailleurs. Si votre but et d’avoir visualisé TOUS les films de la série des Ju-on, tentez le coup mais je vous aurai prévenu ; vous pourriez passer une heure trente à faire autre chose de votre vie.

A quand un remake de Sadako vs. Kayako ?

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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