Tueur caméraman

Des films à la réputation sulfureuse, il en existe un bon paquet. Celui-ci est sorti en 2007 et a été diffusé au festival du film de Tribeca, à New York. Prévu pour une sortie en salle en 2008, Metro-Goldwyn-Mayer l’annule en raison de l’extrême violence du film. Aïe ! En 2014, on le trouve çà-et-là en VOD avant qu’il ne soit à nouveau retiré. Finalement, en 2017, le film se voit distribué en DVD et Blu-Ray. Dix ans entre sa première diffusion et sa sortie au public, ça engage qu’il s’agit d’un métrage pas piqué des cure-dents. Réalisé par John Erick Dowdle, et son frangin Drew, (qui seront responsables du film En quarantaine en 2008… mais aussi Catacombes en 2014 qui remonte le niveau), le métrage est en fait un faux documentaire sur une sordide affaire de tueur en série dans la ville de Poughkeepsie, dans l’état de New York. Alors, est-ce si affreux ? Va-t-on être en PLS au fond de notre salon ? La ville n’a-t-elle pas eu son lot de tueur en série ? Parfois, trouver des réponses nécessite de regarder des trucs pas jolis, jolis. ATTENTION : cet article contient des spoilers

Poughkeepsie, dans l’état de New York. La police met la main sur des centaines de cassettes relatant les activités macabres d’un tueur en série. Kidnapping, meurtres, mutilations, tortures, le maniaque filme tout. Au travers du documentaire consacré à ce meurtrier peu commun, on en apprend plus sur lui, son terrifiant mode opératoire et sur Cheryl, celle qui a été séquestrée pendant plus de dix ans par ce sadique.

Les films traités comme de faux documentaires avec du found footage dedans, on a déjà vu, notamment le sympathique The Bay de Barry Levinson. Ici, c’est plus sordide, plus intimiste. Les acteurs (pour la plupart ayant tournés dans des séries) restent le défaut dans la cuirasse. Les différentes interventions des spécialistes du comportement, des agents du FBI et des familles meurtries par les agissements du tueur ne parviennent pas à nous mettre en état d’empathie. Du coup, l’immersion est moindre et la sensation de mal-être descend d’un cran.

Il faut cependant mettre en avant le personnage de Cheryl, joué par Stacy Chbosky. Ce dernier est non seulement un fil conducteur non négligeable du métrage, mais s’avère également le plus profond et intéressant. Entre son kidnapping, ses sessions de torture et son interview finale après qu’elle ait été retrouvée vivante, c’est la seule qui est parvenue à faire gonfler en moi un puissant sentiment de malaise et d’injustice. Les autres, ben… dommage.

Le film est-il aussi sulfureux qu’on le dit ? N’ayant pu le découvrir qu’en 2017 (avant, ce n’était pas faisable), de l’eau a coulé sous les ponts dans le domaine horrifique. Si certains métrages sont outranciers (A Serbian Film) ou ont fait scandale à l’époque (La dernière maison sur la gauche de Wes Craven en 1972), ce n’est pas la même histoire avec celui-ci. Les scènes filmées par le tueur son effectivement crues, glauques et atroces, mais visuellement, on s’en prend moins dans le cornet que les films cités précédemment, ou qu’un bon vieux Hostel des familles.

Tout est misé sur l’ambiance, pesante et implacable. The Poughkeepsie Tapes y va fort avec les sévices infligés aux victimes du tueur. Le passage le plus horrible restant celui du meurtre de la femme kidnappée dans une voiture de police. C’est lent, vicieux, graphique et franchement, on a envie que ça s’arrête. La scène post-générique envoie aussi du lourd au niveau sadisme, le tueur disant à sa victime que tant qu’elle ne clignera pas des yeux, elle aura la vie sauve. Le délai entre la phrase et le dernier clignement semble interminable.

Pour le reste, le film surfe sur le voyeurisme malsain planqué en chaque être humain. Dans chaque partie présentée, on attend de voir ce que va faire le tueur et plus on avance, moins on est certain de ce que l’on va voir, le bougre changeant ses plans à tire-larigot histoire de brouiller l’enquête. Enquête qui reste très bien montée, car l’aspect documentaire est bien là et on pourrait presque se croire dans un épisode de Faites entrer l’accusé, un semblant de crédibilité en moins.

Car en effet, le tueur se fait passer pour un magnat du meurtre, parvenant même à faire accuser un policier à sa place qui finira sur une table d’injection létale. Cette séquence d’ailleurs, à part apporter des minutes au film et nous prouver la maîtrise absolue du tueur en série, n’apportera strictement rien. De même que les avis contradictoires des spécialistes sur la personnalité de cet étrange tueur, passionné de tortures… et de ballons (oui, oui, vous avez bien lu).

A part assister à quelques moments sordides, rien ne transparaîtra vraiment de ce métrage atypique. On s’ennuie souvent, sans pour autant que cela consolide l’aspect glauque du film. Le kidnapping de Cheryl, par exemple, dure des plombes mais n’apporte même pas une sensation malsaine au possible. Marquer le côté réaliste ? Pourquoi ne pas faire un film sur un tueur ayant réellement existé, à ce moment-là ? On se pose quelques fois la question en se demandant où les frères Dowdle ont voulu nous mener avec ça.

Quand on sait que la ville de Poughkeepsie a connu un vrai tueur en série (8 victimes), on se demande s’il n’aurait pas mieux valu avoir un documentaire bien senti avec des éléments réels, retraçant les agissements de ce meurtrier, en lieu et place d’essayer de nous faire croire que le plus intelligents des tueurs était de passage dans cette ville dans les années 90. 

Tueur hyper intelligent manipulant la police à sa guise (comme l’avait fait le Zodiac dans les années 70), vidéos de basse qualité (ah, c’était ça les années 90, période des crimes en question), peu d’empathie pour le commun des mortels présent dans le film, la réputation de ce dernier d’être une œuvre choc le précède. Au vu des séquences restant tout de même réalistes, il n’est cependant à ne pas mettre sous tous les yeux, mais les aficionados de l’horreur n’y trouveront sans doute pas leur compte. Atypique dans son traitement, brut dans ses images, The Poughkeepsie Tapes retrace les horreurs d’un tueur en série en se voulant réaliste, mais à vouloir trop en faire, on perd en crédibilité. Ce n’est peut-être pas une si mauvaise chose, au fond.

Et moi, depuis, je ne prends plus d’auto-stoppeurs.  

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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