Ça ne rigole pas !

Robert Kirkman… ce nom ne vous est pas nécessairement inconnu. Il s’agit d’un scénariste de comics qui a notamment officié sur… The Walking Dead. En 2014, avec Paul Azaceta au dessin, il sort les comics Outcast, narrant l’histoire d’un jeune homme, Kyle Barnes, aux prises avec des forces démoniaques qui s’amusent à posséder les habitants de sa petite ville. En 2016, Robert Kirkman se lance et devient créateur de la série du même nom, en plus de s’atteler à la production. On connaît la passion du Monsieur pour les histoires sur la nature humaine dans des situations hostiles, et l’on se dit donc que cela va être une bonne chose de voir ce récit apparaître sur nos écrans. Alors, est-ce que le jeu en vaut la chandelle ? Est-ce que Robert s’avère tout aussi efficace sans zombies ? Les possédés bénéficient-ils d’une bi-nationalité ? On embarque l’eau bénite et on se lance à la quête de réponses ! ATTENTION : cet article contient des spoilers

Kyle Barnes n’a pas une vie facile. Sa mère se trouve dans un état catatonique après l’avoir régulièrement molesté, possédée par un démon. Il a été viré du cocon familial après qu’il ait violemment battu sa femme, Allison, et supposément frappé sa fille, Amber. Il vit dans la maison de son enfance, remplie de souvenirs sordides. Et pour parfaire le tout, peu d’habitants de la petite ville de Rome, en Virginie-Occidentale, parviennent à le blairer. Sa sœur, rencontrée dans sa famille adoptive, tente tant bien que mal de lui faire remonter la pente, sans réel succès. Pourtant, c’est par l’intermédiaire du Révérend Anderson qu’il va se trouver un nouveau but. En allant aider l’homme de foi sur le cas d’un garçon apparemment possédé, Kyle va découvrir qu’il peut aider les personnes habitées par un démon… et que le mal a des projets bien particuliers pour lui.   

Le casting principal d’Outcast est relativement fourni, mais tous les acteurs font leur travail avec sérieux. On démarre fort avec Patrick Fugit dans le rôle de Kyle Barnes. Déjà apparu dans plusieurs films (dont Gone Girl de David Fincher), il joue ici le personnage dépressif par excellence, se nourrissant de céréales et évitant le monde extérieur, ruminant sans cesse ses souvenirs sombres et la perte de son épouse et de sa fille. Pourtant, il va découvrir son « pouvoir » d’aider les possédés et va alors faire des découvertes plus terrifiantes les unes que les autres. Rôle interprété avec brio, sur lequel on jette immédiatement notre empathie. Très beau boulot ! Tout aussi bien, Philip Glenister dans la peau du Révérend John Anderson. Grand habitué des séries britanniques et des téléfilms, il colle parfaitement au personnage délicieusement dévot, se donnant comme mission d’enrayer définitivement le mal dans la ville de Rome. Grimpant sur son piédestal épisode après épisode, plus dure sera la chute. Sa montée dans la folie et son comportement outrancier et impulsif font de lui un de ceux qu’on aime détester.

Dans la catégorie des interprétations de malade, nous avons également Wrenn Schmidt qui joue Megan Holter, la sœur adoptive de Kyle. Déjà vue dans plusieurs séries (dont Person of Interest), son rôle sera multiple dans Outcast ; mère de famille, sœur adoptive, amie et victime de la terrifiante mission démoniaque lancée sur Rome. Sa capacité à nous coller les chocottes dans les derniers instants de cette saison 1 sont saisissants, de même que l’émotion qui se dégage de son personnage le reste du temps. Magnifique ! Kate Lyn Sheil est l’ex-épouse de Kyle, Allison. Apparue dans plusieurs films dans et un segment de V/H/S, elle interprète ici une femme aux prises avec des souvenirs flous et un ex-mari qu’elle considère clairement comme une menace. Mais parfois, on se trompe sur les gens et la menace est plus proche qu’on ne le croit.

Dans les rôles principaux, nous avons encore Brent Spiner. Le lieutenant commandant Data des Star Trek (depuis 1987, films et série), qui a également fait un passage par Independence Day en Docteur complètement maboule, joue ici un personnage tout aussi flippant avant qu’après sa possession. Reg E. Cathey est Giles, le chef de la police de Rome. Bonard, professionnel, sachant quand fermer les yeux, il se retrouve au cœur de la tourmente des possédés du coin. Pour terminer, David Denman (The Office) interprète Mark Holter, le mari de Megan. Policier de la ville de Rome, il va devoir faire face au passé obscur de son épouse et aux conséquences de ses actes.

Dans les rôles récurrents notons la petite Madeleine McGraw qui est Amber, la fille de Kyle et Allison, jouant son rôle comme il faut ; Grace Zabriskie (Twin Peaks, 60 secondes chrono, The Grudge) interprétant Mildred, une vieille dame pas si pacifique qu’il n’y paraît ; Lee Tergesen est Blake, un possédé complètement à la masse ; et Melinda McGraw (X-Files, The Dark Knight) jouant Patricia, petite amie du révérend en devenir pour le meilleur… et surtout pour le pire.

Les acteurs jouent donc leur rôle avec sérieux, instaurant immédiatement une ambiance pesante et réaliste dans la série. Chacun possède sa propre histoire, donnant une profondeur bienvenue à chacun d’entre eux. Le passé de Kyle, Megan, du Révérend et de la majorité des rôles sera mentionné, permettant de justifier les différents comportements des personnages. Franchement, un bon point de ce côté-là.

Maintenant, il faut définir si le scénario est lui aussi sérieux ou non. Eh bien, la trame se suit sans difficulté car malgré le nombre de personnages présents dans la série, chacun possède son identité propre… et s’y tient ! C’est donc aisément que nous arpenteront les différentes histoires, et que nous verrons les personnages évoluer. Autour du fil rouge que sont les possessions dans la ville de Rome, Kyle y trouvera un moyen de sortir de sa torpeur, Giles de régler certaines affaires du passé, Megan de combattre ses souvenirs glauques et le Révérend de gentiment basculer dans l’abus (en plus des verres de scotch et des clopes les unes après les autres). Beau tableau.  

Car Outcast reste une série horrifique par excellence. Ici, pas de jump scares à bas budget ou du rab de « je-vais-vous-en-mettre-plein-les-mirettes ». Tout reste extrêmement sobre, posé, pesant. Les cas de possession sont réalistes, dans le sens où ils ne versent pas dans le n’importe quoi au niveau visuel, conservant les possédés dans leur état « naturel ». Pas de grimaces outrancières ni de faciès démoniaque, on reste dans la simplicité et l’efficacité. Les effets spéciaux sont d’ailleurs tout à fait corrects et restent dans la ligne de tir du reste ; simples.

Bien sûr, pour les aficionados des descentes en escaliers en mode araignée et les effusions de vomi coloré, il faudra repasser. Dans cette première saison, c’est brut, violent et réaliste. On ne se contente pas de jeter de l’eau bénite sur les personnes souffrant de possession, on leur met aussi quelques claques dans la tronche afin de se venger des dires du démon. De quoi certainement donner une intensité plus forte au récit, en nous narrant des histoires de possession et en nous présentant des entités démoniaques bien planquées dans les gens, à l’abri de tout soupçon, utilisant l’être humain comme un moyen de jouer et de déclencher de l’hostilité et les conséquences qui vont avec.  

On s’amuse bien, dans Outcast, à tenter de deviner qui peut bien être possédé. Kyle a le don de « faire mal » aux gens investis d’un locataire non désiré rien qu’en les touchant. C’est donc avec intérêt que nous suivons chacun des gestes du jeune homme afin de savoir si la personne en face est potentiellement une menace ou non. En tout cas, perso, je me suis bien fait avoir un certain nombre de fois.

La menace de la série, parlons-en. Contrairement à des séries beaucoup plus frontales, ici, tout se passe dans le secret. Les démons sont tapis dans les gens et ne font pas de vague tant qu’on ne vient pas les taquiner. Du coup, cette invasion d’êtres indésirables est silencieuse, vicelarde et prend Rome, jour après jour, petit à petit. Les raisons de l’arrivée des ces entités peu enclines à devenir nos amies ? Cela sera révélé en temps voulu.

Outcast prend son temps, dans la dépose des bases de chaque personnage, dans l’accomplissement de son scénario et dans la révélation de ce qui se trame réellement en ville. Cette autre facette intéressante de la série veut que nous attendions impatiemment plus d’explications sur ce foutoir surnaturel, mais que nous ne sommes pas pour autant en train de gratter notre télécommande pour avoir l’information. C’est au compte-goutte que tout arrivera et cela ne fera qu’apporter une saveur plus grande lors de certaines révélations.

Le côté visuel possède également son intérêt. Nous sommes dans des teintes lorgnant puissamment sur le gris et le brun. Du soleil fortement présent dans quelques scènes d’exorcisme, afin d’apporter le contraste entre les ténèbres et la lumière, mais beaucoup de grisaille pour intensifier l’effet de confinement de la ville de Rome. Les cadres sont toujours bien fichus et les paysages, bien que désolants, vont de paire avec le ton de la série.  

Du coup, que du bon ? Eh bien, on pourra reprocher à la série son ton trop sérieux. Ici, c’est réellement posé et même si quelques scènes restent mouvementées (l’évasion de Caleb, la plupart des exorcismes, le discours du Révérend lors de sa représentation publique), l’ambiance générale sera pesante tout en restant maîtrisée. Il faut donc compter aussi quelques longueurs par-ci, par-là, mais rien d’affolant. De manière générale, le rendu final gomme les quelques imperfections.

Bon, il faut aussi dire que même si le traitement reste dans une teinte réaliste, il ne faut pas non plus voir cela dans le global. Le nombre de cas de possessions est l’un des exemples les plus frappants. Même si les démons sont décidés à prendre d’assaut l’endroit en question, n’en reste que le manque crucial d’interrogations de la part du Révérend laisse sans voix. Autant de cas de possession dans un cercle aussi restreint, cela devrait clairement plus l’alarmer que cela. C’est là que nous voyons que nous restons dans une série, et c’est également cela qui permet de conserver une limite claire entre réalité et fiction.  

Ce n’est pas un scoop, la série parle de possessions et d’exorcismes. Pourtant, le fondement s’en va un peu plus profondément que cela. Malgré le fait de combattre les puissances démoniaques, il ne faut pas oublier que nos actions passées conservent leurs lots de conséquences qui, elles, ne sont pas chassables à grand coup d’eau bénite et de prière. A l’instar du passé de Megan, cette dernière devra s’y confronter pour espérer tourner la page. Nous avons donc le côté menaçant via les démons (invisible), et celui impliquant de donner de soi si l’on veut parvenir à panser les plaies (tangible). Malin.

Plus globalement, Outcast parle, bien entendu, de la foi. D’un côté nous avons Kyle, peu enclin à croire en tout cela et mettant même en doute l’existence de Dieu. Il possède pourtant un don unique, celui de libérer les âmes torturées par un simple toucher. Dans un autre coin du ring, nous avons le Révérend Anderson. Ardent croyant, connaissant la Parole de Dieu, tenant son église avec fermeté et pratiquant des exorcismes pour libérer les captifs, son but, comme il le dit, et de ne plus avoir à en pratiquer. Cependant, la jalousie commencera à se faire sentir, lui qui se démène comme un beau diable pour exercer les pratiques chrétiennes et qui n’obtient pas les mêmes résultats que Kyle. Il y a de l’orgueil dans l’air.

Voilà un des points essentiels ; l’orgueil. Qu’il s’agisse de celui du Révérend ne comprenant pas pourquoi il s’est planté alors qu’il a, selon lui, tout fait juste, ou de celui de Giles, chef de la police de son état, qui a la capacité de choisir de fermer les yeux ou non, tous possèdent leur propre orgueil. Ce sera d’ailleurs l’un des éléments cruciaux de cette série, menant la plupart des protagonistes à leur perte, ou du moins à des situations peu enviables, tout comme le Révérend en fin de saison.

Et que dire du nom de la ville dans laquelle tout cela se passe ; Rome. Ville décadente lors d’une certaine époque, on retrouve ce virage dans la série. Tout semble partir en cacahuète non pas parce que les démons s’y rendent, mais bien parce que l’humain commet des erreurs. On voit donc une ville lentement crouler sous l’orgueil de ses habitants et sous leur capacité à se mêler de tout pour, au final, commettre l’irréparable. D’une certaine manière, les démons présents dans Outcast n’y jouent qu’un rôle secondaire, servant uniquement de déclencheur pour que l’être humain se plante royalement lui-même, sans aide extérieure (ou intérieure, c'est selon). 

La fin de saison est à l’image de la série ; sobre. On notera tout de même un niveau de tension accru par les actes des différents personnages. Kyle et sa fille vont se retrouver face à des badauds peu engageants, le Révérend va faire une erreur aux conséquences désastreuses et les démons, eux, doivent sans doute bien se marrer car, dans la série, on ne leur échappe pas si facilement, tout comme à son passé.

Avec dix épisodes d’environ 45 minutes, le rythme est bien entretenu. On attend toujours la suite avec un certain intérêt et on se demande surtout comment les personnages vont réussir à se défaire de leurs liens avec les ténèbres, qu’il s’agisse à proprement parler des démons, ou des conséquences d’un passé obscur.

Dans son traitement, Outcast reste très sérieux. Pas de grand-guignolesque à l’horizon et pratiquement pas de rictus pendant le visionnage de cette première saison. Ça envoie du lourd, du brut, comme un panneau de coffrage en plein dans la tronche. La vie ne prête parfois pas à rire, et c’est que nous rappelle cette série. Attention cependant, nous sommes loin d’en ressortir complètement déprimé, au contraire. On se dit qu’au final, heureusement que nous ne vivons pas dans la petite ville de Rome et on relativise en se disant qu’on l’a échappé belle. Ça aurait pu être bien pire.

Tous les amateurs d’horreur y trouveront leur compte, ainsi que ceux qui veulent une série surnaturelle qui sait rester simple et sobre, tant dans son traitement que dans son histoire. N’ayant pas lu les comics, je ne peux pas vous faire de comparatif, mais avec Robert Kirkman à la barre, il est certain que nous avons ici plus qu’une histoire de possession ; c’est une aventure humaine sous couvert d’événements surnaturels, nous apprenant, par ce biais, la réelle nature de l’être humain.

Et attention à la saison 2 car comme il est dit, la possession n'est que le commencement. 

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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