Rappelez-vous de son nom

Quand on me parle de productions horrifiques, je dois avouer que la France n’est pas le premier pays auquel je pense. Certes il existe un certain nombre de films et de séries traitant du sujet, parfois même avec un panache démarquant, mais ce n’est pas en entendant parler de Marianne que j’ai ressenti une puissante envie de me lancer dans l’aventure. Samuel Bodin, s’est déjà attelé à quelques courts métrages et également aux séries T.A.N.K. et Lazy Company. Il co-écrit Marianne avec Quoc Dang Tran, scénariste ayant travaillé sur Nox et Le Bureau des Légendes. De plus, l’affiche clame fièrement « La série que vous ne voudrez pas regarder seul-e ». Peuh ! La bonne blague ! Eh bien mes amis, même après des années de visionnages en tout genre, il se peut que l’on reste surpris de certains d’entre eux. C’est le cas avec cette série diffusée sur Netflix depuis 2019 qui, soyons honnête, peut se targuer d’être une réelle série horrifique comme j’ai rarement pu en voir. On allume la lumière, on arrête de trembler et on se lance dans la critique. ATTENTION : cet article contient des spoilers

Jeune écrivaine de romans d’horreur à succès, Emma (Victoire Du Bois) retrouve une vieille amie d’enfance dans des circonstances dramatiques, cette dernière se suicidant peu de temps après leurs retrouvailles mouvementées. D’après elle, la sorcière Marianne, présente dans les romans d’Emma, serait bel et bien réelle et aurait pris possession de sa mère. Devant faire face à un passé trouble, la jeune femme retourne à Elden, sa ville natale, pour découvrir si oui ou non son personnage maléfique existe véritablement.  

Pris comme ça, l’histoire ressemble à beaucoup d’autres que l’on a pu voir jusqu’à aujourd’hui. Dans la majorité des cas, il y a toujours un romancier obscur qui revient dans sa ville d’origine pour se prendre son passé en pleine face et se confronter à quelques monstres. Mais bien que ce postulat de départ semble convenu, c’est la manière de traiter le sujet qui est l’une des premières choses incroyables de cette série.

Usant d’une connaissance certaine en matière horrifique, Samuel Bodin enclenche sa série avec une scène d’ouverture alliant malaise et écoulement sanguin à grand coup d’arrachage de dent (rien que ça). Le ton est donné… et ce n’est pas encore le bon. Car ce qui nous attend par la suite n’est ni plus ni moins qu’une maîtrise de la matière des films d’épouvante de ces dernières décennies.

Durant les huit épisodes que compte cette première saison, Samuel Bodin joue avec les jump scares sans en abuser, travaille intensément les arrière-plans pour faire monter la tension et nous présente une pléiade de monstruosités en tout genre. La présence de Marianne est oppressante à chaque instant et toutes les séquences oniriques sont simplement cauchemardesques (la première nuit d’Emma, l’accouchement de Sophie).

En travaillant ainsi, l’ambiance de la série s’impose pour nous conserver en état de tension permanent, Marianne étant une antagoniste implacable, inarrêtable et franchement sadique. Sa distribution de petits paquets en peau humaine contenant des dents et des cheveux annonce clairement la couleur ; nous avons affaire à une sorcière de haut niveau. Son point faible ? Elle ne peut pas mentir sur son nom, ce qui donne droit à quelques interrogatoires légitimes de la part des protagonistes lors de certaines séquences. Se dresser contre elle est une pure folie et c’est pourtant ce que va faire Emma… et son équipe.

Car oui, dans la vague continuelle des retrouvailles d’adultes qui ont vécu un traumatisme dans leur adolescence (merci Ça), Emma revient à Elden pour y retrouver sa troupe d’amis. Un drame terrible les ayant séparés quinze ans avant, il est difficile pour la jeune femme de se faire à nouveau une place parmi eux. A ce titre, même si le personnage d’Emma semble impossible à cadrer dans les premiers épisodes, notre sympathie à son égard grandit avec le temps et sa prestation est, dès lors, très appréciée.

Pour le reste de la petite équipe, nous avons Aurore (Tiphaine Daviot), meilleure amie d’Emma qui a perdu sa sœur dans des circonstances tragiques (je ne verrai plus jamais mon congélateur de la même manière) ; Séby (Ralph Amoussou), amour silencieux d’Emma qui est maintenant père de famille ; Arnaud (Bellamine Abdelmalek), le joyeux drille de la bande ; Tonio (Mehdi Meskar), le petit frère d’Arnaud ; et la regrettée Caroline (Aurore Broutin), finissant mal dès le premier épisode, victime de la terrible Marianne.

Mentionnons également la présence de Camille (Lucie Boujenah), assistante d’Emma et accessoirement son amie ; l’inspecteur Ronan (Alban Lenoir, Kaamelott), personnage frôlant le comique mais terriblement attachant ; le Père Xavier (Patrick d’Assumçao), pas franchement jouasse mais finalement très héroïque ; et les parents d’Emma (Corinne Valancogne et Pierre Aussedat), profitant de la vie… avant que Marianne ne vienne s’en mêler.

Si les prestations des acteurs sont parfois en demi-teinte, elles restent correctes dans l’ensemble, collant à l’univers posé dans la série. Les jeunes acteurs reprenant les rôles des personnages lorsqu’ils sont adolescents gèrent extrêmement bien la chose également. Mais s’il y a un rôle qui décoche tout, qui met des kicks brutaux et absolus en plein dans notre petite tête, c’est bien celui de Mireille Herbstmeyer.

Interprétant Madame Daugeron, la mère de la pauvre Caroline, elle est le vaisseau de la terrible Marianne durant les trois premiers épisodes. Si l’on vient me parler de la série dans dix ans, pour moi, Marianne est et restera Mireille Herbstmeyer. Un regard de fou, un sourire terrifiant, des propos purement et simplement malaisants et une capacité hors normes à nous coller au fond de notre canapé à chacune de ses apparitions font que l’on peut clairement dire qu’il s’agit ici d’une prestation impeccable en tous points. N’oublions pas cependant la jolie Délia Espinat-Dief jouant le rôle de la vraie Marianne, parvenant à nous envoûter durant le dernier épisode grâce à sa prestation d’une justesse tout aussi incroyable.

Nous avons donc jusqu’ici une série avec des acteurs dans le tir, dont certaines interprétations crèvent littéralement l’écran, et une ambiance d’épouvante magnifiquement orchestrée par Samuel Bodin. En grattant un peu, on pourrait regretter tout d’abord des sous-intrigues un peu lancinantes, justes assez intéressantes pour se passer le temps entre deux séquences horrifiques mais pas assez prenantes pour nous convaincre totalement. Pour faire court, ça meuble bien, permettant aussi de mieux connaître les personnages, sans pour autant nous faire vibrer. On sait donc beaucoup de choses sur eux mais leur personnalité reste relativement en surface.

Car ce qui nous intéresse ici, c’est Marianne, tenante du titre si j’ose dire. La mythologie de la série se plonge alors dans les procès pour sorcellerie au 17ème siècle et nous ressuscite cette sorcière effrayante, épouse d’un démon qui plus est. Les histoires à succès d’Emma viennent principalement de ses cauchemars, eux-mêmes découlant de sa première rencontre avec Marianne lors d’une paisible balade dans le jardin.

Après avoir passé en revue quelques possibilités comme celle que Marianne soit un tulpa ou que tout cela ne soit en fait qu’un cauchemar d’un bout à l’autre, on se retrouve face à la terrible réalité et la magie de la série prend forme. La mythologie est intéressante, assumée… et réaliste. Après le visionnage de cette première saison, le moindre recoin sombre de votre chez vous devient une menace potentielle, Marianne pouvant s’en prendre à qui elle veut, quand elle veut.

On retrouve bien sûr la thématique du passage à l’âge adulte, les protagonistes mettant pas loin de quinze ans pour remarquer les erreurs commises lors de leurs jeunes années. Le reliquat des souvenirs perturbants de cette période est traîné par la plupart comme de lourds boulets à leurs pieds, les empêchant de pleinement se lancer dans une vie épanouie. Même si tous ont réussi « à faire leur vie », n’en reste que les rancunes sont tenaces et les secrets pas foncièrement tous révélés.

Le pardon semble être un axe central dans l’histoire de Samuel Bodin. Finalement, malgré les terribles actes commis par Emma, il est important de demander pardon… mais plus encore se pardonner à soi-même, chose ô combien difficile au vu de la teneur de ce qui a été perpétré. C’est donc sur ce cheminement que se lance la jeune écrivaine, se confrontant à son démon du passé qui est toujours présent et qui est somme toute le déclencheur de sa propre déchéance. Mais comme toujours, nos démons personnels influent également sur la vie des autres… parfois à leurs dépens.

On suit donc avec intérêt et terreur cette première saison qui se conclut sur une note archi-connue que les amateurs horrifiques découvriront sans aucune peine avant sa révélation. Cela peut-il être les prémices d’une seconde saison où Marianne reviendrait ? La sorcière a-t-elle dit son dernier mot ? Son démon d’époux va-t-il prendre le relais ? Trop tôt pour le dire. Ce qui est cependant sûr, c’est que cette première saison, c’est de la bombe.

De la vraie épouvante avec de véritables séquences de trouille et de tension comme j’ai rarement pu en voir sur mon petit écran, ça fait véritablement plaisir ! Honnêtement, en démarrant le visionnage, je ne pensais pas qu’une série puisse autant envoyer en seulement huit épisodes. Mythologie intéressante, antagoniste terrifiante, personnages un peu en surface mais attachants, si saison deux il y a, je vote un grand OUI. Merci Samuel Bodin pour m’avoir redonné espoir dans l’horreur française.

Et n’oubliez pas ; Marianne ne repart jamais sans rien.

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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