Des tueurs, en série

En 2017, Netflix nous propose une nouvelle série : Mindhunter. Joe Penhall en est le créateur. Auteur de pièces de théâtre et de scénarios (notamment celui du film La Route de John Hillcoat avec Viggo Mortensen), il prend pour base le livre Mindhunter : Dans la tête d’un profiler écrit par Mark Olshaker et John E. Douglas, racontant notamment les débuts du profilage criminel et les entretiens avec plusieurs tueurs en série dès la fin des années 70. A la production, nous avons, entre autres, Charlize Theron et un certain David Fincher, qui réalisera quatre épisodes durant cette première saison. Du lourd en perspective ! Cette série va-t-elle nous étonner ? Est-il possible de nous faire voir quelque chose d’inédit ? Le profilage est-il une méthode sûre ? Tant de questions et, possiblement, plusieurs réponses, dans ce qui suit. ATTENTION : cet article contient des spoilers.

En 1977, l’agent du FBI Holden Ford est formateur pour les négociateurs lors de prises d’otages. Il fait la rencontre de l’agent Bill Tench travaillant à l’unité comportementale. Ensemble, ils décident d’interviewer plusieurs tueurs en série à travers le pays dans le but de collecter des données et ainsi permettre la compréhension de ces criminels peu ordinaires afin de les arrêter plus rapidement. Aidés par le Dr. Wendy Carr, une psychologue, leur entreprise va connaître un intérêt croissant et fonder les débuts du profilage criminel.  

L’agent Holden Ford (Jonathan Groff) est inspiré du vrai profiler John Douglas. Après un passage remarqué dans la série Glee, l’acteur se glissera impeccablement dans ce rôle d’agent prenant petit à petit une confiance en lui qui ne pourra le mener qu’à de potentiels problèmes. Déterminé, intelligent, osant des techniques peu orthodoxes, son évolution est bien orchestrée. A ses côtés, l’agent Bill Tench (Holt McCallany), procédurier, père de famille et parfois bourru. Ce personnage (inspiré du véritable profiler Robert K. Ressler) dégage un certain respect et une fragilité relative, contrecarrant ainsi l’aspect « colosse » du bonhomme. Avec une filmographie bien remplie, cet acteur nous surprend par son naturel et sa franchise. Le Dr. Wendy Carr (Anna Torv) aide les agents à mettre en place leur nouvelle procédure. Professionnelle et humaine, elle va se retrouver parfois entre deux feux et devra faire son possible pour maintenir effective la soudure de l’équipe. L’actrice de la série Fringe nous offre ici une très belle prestation. Debbie Mitford (Hannah Gross) est la petite amie de Ford. Étudiante à l’université, elle surprend par son caractère froid mais sincère. Enfin, Shepard (Cotter Smith), chef au FBI, est le parfait patron, sévère, conscient des réalités, ne voyant pourtant pas d’un très bon œil le développement d’une nouvelle unité via Ford et Tench. L’acteur, habitué des séries (Tru Calling, Person of Interest, Revolution) est bien dans le rôle, apportant un peu de clash dans certains épisodes.  

Dans les rôles récurrents, nous avons Nancy Tench (Stacey Roca), la femme de Bill, en situation familiale un peu compliquée. L’agent Gregg Smith (Joe Tuttle) s’immiscera dans l’équipe des sciences du comportement pour les soutenir dans leur tâche (ou non…). Benjamin Barnwright (Joseph Cross) est un pleureur cachant bien son jeu et n’ayant pas froid aux yeux (il jouait le petit Charlie dans Jack Frost de 1998). Les autres personnages, incluant notamment des inspecteurs et des policiers, sont tous bien menés par les différents acteurs, ne cabotinant pas et restant parfaitement dans les clous. Bon boulot, les gars !

Vu que la série parle principalement d’entretiens avec des tueurs du même nom (« série », donc), comment ne pas parler des différents acteurs ? Tout d’abord, Monte Rissell, un violeur et meurtrier interprété par Sam Strike. Imbu de lui-même, ce personnage vil est joué de manière correcte. Pour l’anecdote, l’acteur joue dans le film Leatherface, sorti en 2017. Comme quoi, il se trouvait déjà dans le domaine du meurtre en série. Jack Erdie est le tueur Richard Speck, assassin de huit étudiantes-infirmières en une seule nuit. Grossier, pas coopératif pour un sou, une courte mais bonne prestation de l’acteur, ayant déjà rencontré le créateur de la série, Joe Penhall, sur le film La Route. Sonny Valicenti fait quelques passages en début et fin d’épisode dans un rôle qui semblerait être celui de Dennis Rader, le BTK Killer, meurtrier de dix personnes entre 1974 et 1991, finalement arrêté en 2005. Peu loquace mais mettant immédiatement mal à l’aise lors de ses apparitions.

Même si tous les rôles des tueurs restent marquants car reprenant des criminels qui existent réellement, les plus gros frissons reviennent tout d’abord à Happy Anderson (oui, oui, « Happy ») pour son rôle de Jerry Brudos. Fétichiste des chaussures de femmes, grossier voire carrément crade, cet assassin en série rejette toute la responsabilité de ses meurtres. Gros mal-être lors des différentes sessions d’entretien entre lui et les agents du FBI. Et dans le rôle le plus intéressant de cette première saison, nous avons Cameron Britton, saisissant de réalisme dans son interprétation d’Edmund Kemper. Tant sa manière de parler que sa gestuelle en disent long sur sa capacité de manipulation, surtout dans la dernière ligne droite de cette première saison. Un rôle parfaitement joué, glaçant et réaliste.

Mindhunter est une série qui ne prendra pas de gants, c’est certain, mais elle parvient à faire les choses différemment que ce que nous avons pu voir ces dernières années. Les tueurs en série, dans les films ou les séries, sont souvent dépeints comme des personnages quasi-surnaturels. Michael Myers est invincible, le tueur de Seven d’une intelligence dépassant tout ce qui est imaginable et les films « tirés d’une histoire vraie » se la jouent en mode « fiction à fond » pour représenter un tueur bien plus barré, glauque et sinistre que la réalité. Mindhunter s’efforce de montrer une certaine cohérence, présentant les tueurs comme des personnes avec un passé, une logique qui leur est propre et un masque de normalité. Cette manière de faire donne un élément de tension palpable, notamment lors des différents entretiens de cette première saison. Cela instaure une atmosphère toute particulière, flirtant parfois avec le documentaire mais en restant, tout de même une fiction dont le récit sera scénarisé. En gros, Mindhunter reprend des tueurs existants sans les transformer en « supers méchants avec des supers pouvoirs ».  

Mais Mindhunter ne s’arrête pas à présenter des portraits de tueurs en série. Les personnages principaux auront également leur lot de problèmes à régler. Entre la relation de Ford et Debbie qui passe par des hauts et des bas, la vie de famille de Tench qui s’avère particulièrement difficile et les états d’âme du Dr. Wendy Carr sur sa carrière professionnelle et son statut privé, il y aura de quoi faire. Ces différentes intrigues servent particulièrement à faire évoluer les personnages et à montrer de quelles façons leurs soucis viennent s’intégrer dans leur travail, ou inversement. Cela sera particulièrement flagrant lors des entretiens avec Jerry Brudos qui vont fortement affecter les agents Ford et Tench dans leurs relations privées. Quant au Dr. Wendy Carr et le nourrissage du chat dans la buanderie, je vous laisserai vous faire votre propre avis… ou vous rendre sur le net pour voir ce que David Fincher en pense. Entre nous, c’est assez tordu, mais reste dans l’idée de la série.

En plus de cela, Mindhunter nous parler des débuts du profilage criminel. Plusieurs séries (notamment Esprits criminels) ont réussi à nous dépeindre une vision réaliste du crime en série tout en présentant des personnages profonds et intéressants. Ces séries n’auraient pas pu voir le jour sans le travail des profilers Douglas et Ressler. Ces derniers ont réussi à apporter un réel plus dans l’investigation criminelle, permettant de dresser un profil psychologique relativement précis par rapport à différents types de crimes perpétrés. La série nous invite alors à découvrir, épisode après épisode, comment c’est forgée cette unité comportementale et comment cette dernière a pu, finalement, former des profilers dans le but d’aider les forces de police du pays à appréhender, plus rapidement, les assassins et autres criminels. Un morceau d’Histoire, en somme.

Un souci tout particulier est donné à l’évolution des personnages et à leur profondeur. Les dialogues, parfois longs, sont toujours intéressants et amènent de nouvelles intrigues ou, au contraire, de nouvelles solutions. Les entretiens avec les tueurs sont saisissants de réalisme (notamment avec Edmund Kemper) et les textes toujours bien amenés et cohérents. Un véritable travail de recherche a été effectué pour mettre en place cette première saison et l’on espère ardemment que cela va continuer ainsi.

Mindhunter est une série dramatique lorgnant sur le thriller. Donc, pas de scène d’action outrancière. Quelques enquêtes afin d’aider les polices locales à stopper un serial killer en devenir viendront ponctuer les intrigues principales. Ceux qui sont à la recherche d’une série bourrée d’action peuvent passer leur chemin. Ici, la véritable action réside dans le duel psychologique entre les tueurs et les agents du FBI, respectivement entre le cœur et la raison de ces mêmes agents. Un tout beau programme.

On ressent clairement le style de David Fincher dans les épisodes qu’il a réalisé. Ce qui est intéressant, c’est que les autres réalisateurs de cette première saison (Asif Kapadia, Tobias Londholm et Andrew Douglas) se calquent également sur cette ambiance particulière tout en apportant leur propre griffe. C’est une excellente chose, car le visuel reste impeccable tout du long, de même que la musique, n’hésitant pas à nous passer quelques succès des années 70.

Il faut également mentionner le générique de début, alternant préparation du matériel pour les entretiens avec des images quasi-subliminales assez glauques, nous présentant ainsi du même coup les deux aspects de la série ; les entretiens et les intervenants, à savoir ceux qui sont responsables desdites images. Une nouvelle manière de nous dire que nous allons osciller entre un réalisme et une fiction tout aussi froids, bruts et violents l’un que l’autre.

Avec dix épisodes d’une durée approximative de 50 minutes chacun, le rythme est bien tenu, nous proposant des choses différentes dans chacun d’entre eux. On revit également les années 70 (eh oui, on pouvait fumer dans les avions) et cela peut nous rendre nostalgique ou nous faire découvrir cette décennie si nous sommes arrivés après coup. On suit donc agréablement le fil jusqu’à un dénouement final prenant, nous mettant mal à l’aise (tout autant que Ford) et nous posant d’ores et déjà les bases d’une seconde saison, j’en suis sûr, pleine de suspense et de rebondissements. Les dernières images planchent sur un potentiel Dennis Rader, détruisant quelques dessins terrifiants, avant de rentrer dans une petite maison sympathique de banlieue. Le masque de la normalité.

Une série excellente à laquelle, je dois avouer, je n’ai pas trouvé grand-chose à redire, si ce n’est que ceux qui n’en ont rien à faire de la psychologie criminelle vont s’ennuyer ferme. Ayant un peu tâté le domaine, cela a été, pour ma part, très intéressant. Du coup, je ne peux la conseiller qu’à ceux qui ont un intérêt pour cela, aux amateurs de séries dramatiques en tous genres et à toutes les personnes qui veulent savoir comment le Dr. Spencer Reid en est arrivé là.

Mindhunter reflète un certain réalisme, et c’est ça qui plaît. Out les tueurs surpuissants, invincibles et méthodiquement plus forts que tout le FBI réuni. Ici, on mêle habilement réalité et fiction histoire de nous en faire apprendre plus sur les procédures d’investigation d’aujourd’hui et comment elles ont pu naître. Un beau travail des acteurs, une histoire intéressante, des entretiens glaçants et une saison deux attendue avec impatience pour découvrir la suite de cette aventure présentant des personnages qui, pour parvenir à aider la communauté, ont dû plonger au cœur des ténèbres recluses aux tréfonds de ses tueurs.

De quoi nous donner envie de nous lancer dans des études de psychologie. 

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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