J't'ai cassé !

Projeté pour la première fois au Fantastic Fest d’Austin, La Fracture débarque sur la plate-forme Netflix en octobre 2019. Avec Brad Anderson comme réalisateur, on peut s’attendre à quelque chose d’intéressant. Il faut dire que ce dernier était déjà à la barre de passablement d’excellentes choses (Session 9, The Machinist, plusieurs épisodes de Fringe, passablement de pilotes, Zoo et Titans notamment) et nous propose ici un de ses genres de prédilection. Mettant en vedette Sam Worthington et Lily Rabe, techniquement, rien ne semble pouvoir clocher. Mais c’est comme la cruche qui s’en va à l’eau ; à la fin, elle se brise. ATTENTION : cet article contient des spoilers… et pas des moindres

Ray Monroe (Sam Worthington), sa femme Joanne (Lily Rabe) et leur petite fille Peri (Lucy Capri) voyagent pour Thanksgiving. Sur la route, après une dispute du couple, ils s’arrêtent à une station-service où Peri se casse accidentellement le bras. Une fois à l’hôpital, la petite est finalement prise en charge par un médecin qui conseille un scanner. La petite et sa mère se rendent à l’étage en question… et n’en reviennent pas. Le personnel semble ne jamais les avoir vues. Ray en est certain ; l’hôpital cache un bien sombre secret.

Bien qu’il possède un mode peu réactif dans la première partie du métrage (enfin, c’est selon…), le personnage de Ray est interprété avec conviction par notre Na’vi d’adoption préféré. Passant du calme à la tempête comme personne, cet homme brisé flottant dans l’incompréhension la plus totale nous tient en haleine pendant tout le métrage. Notre identification à ce personnage est d’ailleurs cruciale dans le récit, mais j’y reviendrai.

Plus effacée et parfois étrange, Lily Rabe interprète Joanne, l’épouse de Ray. Cette mère aime sa fille, c’est un fait, mais semble avoir quelques problèmes relationnels planqués sous la surface. En ce qui concerne la toute jeune Lucy Capri, elle enchante l’écran par sa présence joyeuse et convaincante. Notons la présence de Stephen Tobolowsky dans le rôle du Dr. Berthram et celle d’Adjoa Andoh (Doctor Who, Invictus) dans celui du Dr. Isaacs.  

Tous les acteurs présents font bien leur travail… peut-être trop bien. Le personnel de l’hôpital ressemble à s’y méprendre à une certaine réalité (si, si), renforçant l’aspect crédible de la situation. Il faut également préciser que les rôles des officiers de police Childes et Griggs (Lauren Cochrane et Shane Dean) sont, pour ma part, les agents le plus réalistes que j’aie pu voir ces dernières années.

Cette quasi-normalité humaine nous empêche-t-elle de nous plonger dans le récit ? Eh bien, s’il y a quelque chose à retenir de ce métrage, c’est sa capacité à nous faire entrer dans la peau de son protagoniste principal, Ray. Plus le film avance, plus on se retrouve à penser comme lui, à analyser les choses comme lui… et les interpréter comme lui. Pour bien comprendre, revenons au début.

La présentation de la cellule familiale ne se fait pas sans cris et la tension présente dans le couple est tout sauf imaginaire. Puis, le passé de Ray refait surface, ce dernier décidant de choisir son ancien péché mignon en lieu et place des piles pour l’appareil musical de sa fille. Vient alors l’accident, terrible, filmé de manière à nous oppresser le plus possible ; on voit l’inéluctable arriver… et on ne peut rien faire.

Mais heureusement, l’hôpital à proximité s’avère salvateur pour la famille Monroe. Même si les déboires de l’inscription empêchent une prise en charge rapide, n’en reste que Ray et son épouse sont ravis de pouvoir se trouver en sécurité dans cet endroit où, à un moment ou un autre, Peri pourra être soignée. Le médecin l’ausculte, propose un scanner, Peri et sa mère prennent l’ascenseur… et disparaissent.

Ray s’en rend compte après un roupillon bien mérité dans la salle d’attente. Jusqu’ici, le réalisateur a parsemé plusieurs indices çà-et-là, nous poussant à la réflexion sur le vrai visage de cet endroit qui semble être un pôle du don d’organe. Tout comme Ray, on se met à suspecter tout le monde, on ne comprend pas et on veut des réponses.

Ensuite, pendant toute la suite du métrage, ce dernier parvient à nous tenir éveillé devant notre écran, élaborant des théories et nous forçant ni plus ni moins à prendre le parti de Ray. Quelque chose cloche, il le sait, on le sait… mais quoi ? Une scène révélatrice s’annonce lorsque le père de famille, la police et une psychiatre se pointent à l’endroit de l’accident vers la station-service. Les mots de la psy nous transpercent comme des lames ; l’horreur est parfois bien ordinaire.

Mais là, la présence du chien responsable de l’accident va nous faire basculer… tout comme Ray. Il se passe quelque chose qui n’est pas net et il est temps de le prouver. Après avoir réussi à se défaire de la présence policière autour de lui, Ray repart pour l’hôpital. Cette dernière partie du métrage nous offusque et nous fait regretter d’avoir tant confiance en certaines institutions. Non mais franchement, tout ça, c’est terrible !

Et puis vient la révélation finale, que l’on peut entrevoir avant sa mise en lumière cela dit, mais qui a tout de même le mérite de nous avoir conservé dans la peau de Ray pendant tout ce temps. Nous sommes tout aussi perdus que lui, cherchant vainement à oublier un acte trop horrible pour être conté. La dernière image du film implique une certaine prise de conscience, tout comme la nôtre à ce moment précis en se rendant compte de ce que nous venons de voir.

Si La Fracture est indéniablement un bon film sur la forme, nous emmenant dans son histoire en nous asseyant à la place de choix du protagoniste principal, il n’en reste pas impérissable. Le temps de se lever du canapé après le film pour aller se chercher une petite binouze et cette impression de confusion mentale s’en est allée. Le fond du film, notamment avec l’unique implication antéhistorique qui est celle de Ray, n’a pas de réelle consistance. Les autres personnages sont là pour s’inclure dans le scénario et tirer les bonnes ficelles au bon moment, sans implication émotionnelle concrète. Finalement, Ray se bat contre lui-même et reste la pierre angulaire du film d’un bout à l’autre.

Ensuite, outre le fait de casser le spectateur en le faisant virevolter dans tous les sens dans les dernières minutes du film, on ne comprend pas vraiment la raison de tout cela. Dénonciation des systèmes hospitaliers ? Conséquences des problèmes liés à l’alcool ? Histoire terrible et malheureuse d’un homme à l’esprit fracturé et point barre ? Faut-il vraiment que le métrage reflète quelque chose de plus profond ? La question est posée et personnellement, je pense que toute fioriture de plus aurait été de la garniture et aurait cassé un rythme bien présent pendant l’heure et demie de film. Ce qui est sûr, c’est qu’à choisir entre la bibine et les piles, vous savez maintenant pour quoi opter.

La Fracture n’est clairement pas une mauvaise expérience et nous propose de passer un moment dans la tête de Ray, pris au piège dans une situation horrible et découlant de circonstances malheureuses. Aucun espoir, aucune échappatoire ; on nous a tout retiré dans les dernières secondes du film. Au-delà de tout ça, une chose est sûre ; on devrait vite guérir de son visionnage qui, même s’il nous a cassé dans notre interprétation, ne nous a pas fracturé ce qui nous sert de cerveau.

Pour les admissions, c’est au fond à gauche. 

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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