Pas si creepant

Ah, les suites ! En 2014, Creep était dévoilé. L’histoire d’un type un peu bizarre prénommé Josef, possédant une faculté tout spécifique pour mettre les gens mal à l’aise. Aaron, vidéaste amateur, en a fait les frais. Troublant, atypique, le premier film misait tout sur l’ambiance particulière et les dialogues. Pour cette suite, Patrick Brice, déjà réalisateur (et acteur) du premier film remet le couvert. Nous avons toujours Blumhouse dans le coup pour la production, et Mark Duplass (Josef dans le premier opus) se tient en coscénariste avec Patrick. Est-ce que ce Creep 2 va nous surprendre comme l’avait fait le premier ? La barbe sied-elle à Mark Duplass ? Les vidéos en ligne sont-elles une raison suffisante pour se retrouver aux prises avec un tueur en série ? Manifestement, nous sommes ici en présence d’une réelle suite. ATTENTION : cet article contient des spoilers

Une chaîne YouTube permettant de faire découvrir des gens pas comme les autres. C’est le projet de Sara, une étudiante rencontrant des personnages parfois étranges et les présentant sur sa chaîne en ligne appelée « Encounters ». Malheureusement, les vues ne sont pas au rendez-vous et elle se demande comment elle pourrait changer la donne. La proposition d’un certain Aaron (en fait Josef qui a changé de prénom depuis le premier film) l’intrigue ; 1'000 $ la journée pour qu’il soit filmé. En arrivant chez cet homme, Sara ne sait pas encore qu’elle vient de rencontrer un tueur en série qui veut laisser le témoignage de sa vie sur vidéo. 

On retrouve Aaron (Mark Duplass, anciennement Josef), tueur gentiment timbré du premier film. Toujours bien dans son rôle, se mettant littéralement à nu devant la caméra de Sara (Desiree Akhavan), il reste celui que l’on a connu, avec ses phrases énigmatiques et sa capacité à mettre mal à l’aise. Cependant, cette impression est moindre par rapport au premier film, le personnage avouant d’emblée être un tueur en série. Au lieu de jouer au chat et à la souris à grand coup de mensonges, la tension entre lui et Sara se retrouve plus à plat que la relation space avec Aaron dans Creep. La jeune femme, d’ailleurs, fera tout pour voir monter son nombre de vues, y compris de filmer une journée entière un malade affirmant avoir assassiné 39 personnes ! Tout ça pour des vues ? Un scoop en devenir ? Une chose est sûre, Sara n’est pas farouche et quand il s’agit de se retrouver à poil devant un inconnu, y’a pas à tergiverser pendant des heures.

Nous avons donc d’un côté un tueur en série en mal d’inspiration, utilisant Sara comme une potentielle muse, et de l’autre une jeune femme vidéaste en quête de pouces en l’air pour ses vidéos sur le web. Même si la relation entre les deux personnages possède une ambiguïté absolue (amitié ? amour ? haine ?), la mayonnaise ne prend pas. Les choix de Sara semblent dépourvus de cohérence, allant à fond dans le sens de son nouvel ami tueur, sans trop se poser de questions. Si ce n’est sur la fin où leur relation prend un autre tournant, bien plus concret. Et puis, un type vous expliquant que c’est un tueur en série, même si vous pensez qu’il délire, vous tentez de vous barrer d’une manière ou d’une autre, non ? Rien à faire, on ne peut pas ressentir une empathie quelconque pour la jeune femme.

Contrairement au premier film qui la jouait plus « naturel », ici, tout semble WTF. L’étrangeté de Creep fait place à une sorte de désorganisation où le suspens n’existe plus vraiment, maintenant que nous connaissons le goût d’Aaron pour le mensonge et la manipulation. Les sursauts sont facilement appréhendables et la glauquitude présente dans le premier film a pris des vacances. Là, c’est plus le comique (ou ridicule) de situation qui prend le dessus, nous faisant passer par des scènes où on ne sait pas s’il faut sourire ou être mal (se mettre à nu pour franchir les barrières, massage dans le jacuzzi).

Pourtant, Creep 2 recèle tout de même quelques scènes qui valent un petit détour. Le passage dans la nature, où Aaron veut se faire filmer dans la rivière, a sa petite saveur. Maudissant la nature qui a fait baisser le niveau de l’eau, s’en prenant aux oiseaux qui dérangent son monologue et raillant sur les avions qui passent, il s’agit de retrouver Mark Duplass dans toute sa splendeur. Il en sera de même dans le passage où il tente de vouloir se tuer, et dans la scène dans les bois où sa véritable personnalité reprend le dessus.

L’aspect found footage est toujours de la partie et a ses raisons d’être. L’image est correcte, souvent posée, agréable à regarder, sans que cela ne parte dans tous les sens. La capacité de Sara à filmer de chouettes plans permet de ne pas dégobiller dans un sachet, tout en précisant que certains cadres seront même franchement sympathiques. On joue moins sur le montage, comme dans le premier film, est c’est un peu dommage mais visuellement, c’est un bon mode found footage.

Alors, pépite ou pas pépite, ce second opus ? La magie s’est tarie, disparaissant dans un scénario dont nous connaissons maintenant les ficelles et où les surprises n’arrivent pas. L’introduction du film nous laissait à penser qu’on allait regarder du lourd et que le cran monterait d’un niveau. Ce n’est malheureusement pas le cas. Après cette première séquence absolument tendue où Aaron tape la causette avec son ami Dave avant de lui trancher la gorge, tout va retomber. Le tueur est en panne d’inspiration et passe en pleine crise de la quarantaine. Nous aussi, on se sent en panne d’enthousiasme et on risque fortement de partir en crise.

Creep 2 est bonnard à regarder si vous avez vu le premier opus. L’histoire de Josef/Aaron est un peu développée, et on retrouve ce personnage avec un certain plaisir, ses monologues et sa manière de voir les choses faisant toujours mouche. Mais pour le reste, la tension est descendue, le suspens n’est pas présent et la scène ultime du film laisse présager une suite. Espérons que cette fois-ci, la tension et la folie seront à nouveau au rendez-vous.

Et au nombre de vues, on est passé à combien ?