Les fantômes du passé

Pascal Laugier nous livre son second film en anglais après The Secret en 2012. On connaît le bonhomme pour sa capacité à être allé très loin dans son film Martyrs en 2008 et pour ses twists en plein milieu de métrage. Dix ans plus tard, il nous propose Ghostland, un film d’horreur particulier avec ce même désir de pousser les choses à leur paroxysme. Cependant, pas d’inutilité dans ce métrage ; la violence dépeinte est nécessaire à l’établissement du scénario tordu qui nous attend. Et puis, il faut dire que voir Mylène Farmer au casting a clairement quelque chose d’intrigant. Décortiquons un brin ce métrage tout en prenant garde de ne pas sombrer dans une certaine folie. ATTENTION : cet article contient des spoilers

Pauline (Mylène Farmer) et ses deux filles vont habiter dans leur nouvelle maison, fraîchement héritée de leur tante décédée. Durant leur première nuit dans la bâtisse, des meurtriers s’invitent et Pauline se voit obliger de riposter pour sauver ses filles. Seize ans plus tard, Elizabeth (Crystal Reed) est devenue une auteure horrifique à succès. Sa sœur Vera (Anastasia Phillips) a sombré dans une profonde paranoïa. Suite à un étrange téléphone de cette dernière, Elizabeth décide de retourner dans la maison où vivent encore sa sœur et sa mère.

Au casting, quatre actrices pour deux personnages. Elizabeth est jouée par Emilia Jones durant son jeune âge, puis par Crystal Reed. Dans le cas de Vera, c’est Taylor Hickson qui interprète la jeune fille et Anastasia Phillips qui prend le côté adulte. Ces quatre actrices jouent impeccablement bien leurs rôles, parvenant à feindre la folie, la peur ou la détermination lorsque cela est nécessaire. Un grand coup de chapeau particulier aux deux adolescentes qui sont franchement balèzes dans leurs personnages.

Et puis nous avons Mylène Farmer que nous n’avions pas revue en live dans une fiction depuis un certain temps. Mère de famille dévouée, un peu perdue sur le comportement à adopter avec sa fille Vera (quelque peu rebelle), sa performance est tout à fait acceptable et parvient à nous convaincre. Les deux dingos qui prennent d’assaut la maison sont également bien interprétés, nous collant des frissons par leurs personnalités si étranges et sadiques. Adam Hurtig joue le mari de Beth, lui aussi restant dans le cadre de ce qui est demandé.

On démarre le film très fort, rencontrant cette petite famille qui s’en va vivre dans un nouvel endroit. On découvre que Beth (Elizabeth) est une jeune fille intelligente, écrivain à ses heures, possédant une imagination débordante. Sa sœur Vera est plus terre à terre et, osons le dire, peut carrément commencer de nous péter les noix avec ses états d’âme. La mère Pauline jongle entre les deux et on est convaincu par leur vie de famille pas si facile que cela.

Puis arrive la première nuit dans leur nouvelle demeure. Une nuit sanglante, décalée, atroce. Deux personnes débarquent chez elles dans le but de tuer la mère et de passer quelques temps horribles avec les jeunes filles avant d’également les occire, moment d’angoisse intense et déroutant prophétisé par la lecture du journal par Beth à la station service. Dans une escalade de violence rude, on assiste impuissant à l’assaut des deux étrangers, l’un de la taille d’un colosse mais avec un esprit limité et une addiction malsaine envers les poupées, et l’autre au look androgyne, sadique à souhait.

On se retrouve ensuite seize ans plus tard. Beth est devenue une auteure célèbre comme elle le souhaitait et doit revenir dans la maison familiale suite à un étrange téléphone de sa sœur. En arrivant là-bas, tout semble bien se passer mais l’on apprend que Vera n’a clairement pas supporté la terrible première nuit dans cette maison et qu’elle la revit sans cesse depuis des années.

Et là, PAF, on s’en prend plein le cornet ! Pascal Laugier ou l’art de twister au beau milieu d’un film. Tout comme il l’avait fait dans The Secret, le scénariste-réalisateur nous tire en plein centre et parvient à mettre un but. On est coi devant la révélation en cours de métrage et on se dit qu’à partir de là, il vaut mieux ne pas être sûr de ce que l’on va voir.

L’aspect de jouer avec le spectateur de cette manière est intéressant car dès que cela tourne autrement, toute notre attention se focalise sur le métrage, cherchant de quelle manière l’on va encore se faire avoir. C’est donc avec un regard vif que nous suivons la suite des événements, non sans avoir plusieurs fois mal pour les différents protagonistes. Nos yeux se plissent de douleur à maintes reprises ; Pascal Laugier a réussi son coup.

Car oui, Ghostland est un film d’horreur, comme le réalisateur sait en faire. Scènes de sursauts, de gore, de violence ; tout cela est impeccablement réalisé et sans aucune gratuité. Ce qui est présenté à l’écran fait mal, peut sembler outrancier et va même parfois très loin, mais tout concourt au bien du scénario qui reste tordu jusque dans ses derniers instants. Taylor Hickson a d’ailleurs payé de sa personne lors du tournage ; sa tête a passé à travers une vitre et cela a occasionné plus de 70 points de suture. A ce jour, la cicatrice est toujours présente sur son visage.  

L’ambiance globale est tendue d’un bout à l’autre du métrage. Après la scène choc du début, on se relâche un peu mais c’est pour mieux repartir dans un nouveau tour de manège, nos muscles se crispant au fur et à mesure que l’histoire avance. L’emplacement de la maison, son contenu (merci pour le jump scare énorme avec la poupée dans la première partie), les deux tueurs et leurs looks radicalement bizarre, l’esprit torturé des jeunes filles, tout cela place clairement une ambiance particulière de laquelle on ne peut s’échapper. 

Les écrivains horrifiques sont aussi à l’honneur dans ce film et plus particulièrement H. P. Lovecraft qui se targue même d’une petite apparition sous les traits de Paul Titley. Avant le début du film, une phrase d’Elizabeth nous apprend qu’elle aime particulièrement Lovecraft et le titre même du métrage en anglais est Incident in a Ghostland, à savoir le titre du dernier livre de Beth.

Dans ce film, on parle de la famille et de l’émancipation en tant que jeune femme. L’arrivée des règles de Beth n’est pas anodine du tout à l’histoire, de même que le twist en plein milieu, nous faisant basculer de l’univers adulte à celui de l’adolescence (et(ou inversement), usant de plusieurs types de codes à travers le film pour nous faire comprendre que le passage à l’âge adulte peut parfois être extrêmement brutal. Il serait possible de faire une analyse plus poussée pour décortiquer tous ce qui est utilisé par Pascal Laugier dans son film pour nous faire comprendre cette symbolique, mais ce n’est pas le but ici.

Le film est-il exempt de défauts pour autant ? Même si nous avons affaire à un très bon film horrifique, mêlant habilement tension, gore, home invasion, assassins sadiques, passage à l’âge adulte et slasher, on peut lui reprocher d’avoir de bons personnages… mais des dialogues un peu surfaits. De plus, aucune explication des événements ne nous est apportée et l’on ne saura jamais vraiment pourquoi ces deux meurtriers faisaient cela. On peut cependant le déduire de par leur comportement, reproduisant sans doute une situation familiale qu’ils n’ont pas connue. Et puis, la brutalité a-t-elle toujours besoin d’explications ?

Et il y a la fin qui reste cruellement ouverte. Après nous avoir fait virevolter dans tous les sens en milieu de métrage, Pascal Laugier nous amène une finalité que l’on peut considérer de deux manières ; happy end ou sad end. A vous de choisir, cher spectateur, car si l’on considère ce qui s’est passé dans la tête de Beth durant le film, est-il possible qu’elle parvienne finalement à s’en sortir ou créée-t-elle un nouvel axe dans son imagination ? Le débat reste ouvert.  

Avec Ghostland, c’est une bonne surprise qui nous attend. Malgré des dialogues un tantinet simplistes et des explications manquantes, il reste un excellent métrage horrifique où se mêlent plusieurs genres, tous sous la bonne garde de Pascal Laugier. Cru, sadique, violent, c’est une histoire de famille qui tourne mal et qui nous est présentée avec brio grâce à son scénario ingénieux et son twist à mi-métrage. Amateurs de films d’horreur pur jus, vous pouvez sans autre visionner Ghostland. Ça fait mal mais au moins, on n’a pas l’impression d’avoir perdu notre temps. Conseillé tout de même à un public averti.

Maintenant que j’ai fini d’écrire cette critique, je vais aller re-re-re-re-re-re-vérifier que la porte est bien fermée à clé.   

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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