Eh ben, Ça vaut le coup !

Ça revient tous les 27 ans. Tout commence avec le roman de Stephen King en 1986. En 1990, l’histoire est adaptée pour le petit écran, en deux parties, et réalisée par Tommy Lee Wallace. Exactement 27 ans plus tard, en 2017, l’adaptation cinématographique débarque sur les grands écrans, mise en scène par Andrés Muschietti. Le réalisateur argentin s’est fait connaître en 2013 grâce au film d’horreur Mama. Le téléfilm de 1990 Il est revenu a déjà beaucoup fait parler de lui et la plupart des enfants et ados l’ayant vu à l’époque ont curieusement développé une peur des clowns. Est-ce que cette version parviendra également à nous rendre coulrophobe ? Est-ce que le succès du film au box-office est justifié ? Que penser des personnages incongrus au nez rouge ? ATTENTION : l’article peut contenir des spoilers

En 1988, dans la ville de Derry, le petit Georgie disparaît, happé dans une bouche d’égout par un horrible clown. L’année suivante, les vacances d’été démarrent. Bill (le frère de Georgie) et trois de ses amis, Richie, Stan et Eddie, veulent utiliser leur temps libre pour faire la lumière sur la disparition du petit frère de Bill. Ils vont ainsi faire la connaissance de Ben, le petit nouveau grassouillet, Beverly, une jeune fille impopulaire, et Mike, cherchant sa place en ville. Tous les sept vont être confrontés au groupe d’Henry Bowers, des adolescents brutaux, mais également à de terribles visions reprenant leur plus grandes peurs. Les sept amis, se nommant amicalement le Club des Ratés, vont alors découvrir que les vagues de disparitions d’enfants, dont celle de Georgie, pourraient avoir un lien avec une entité maléfique, millénaire et extrêmement puissante prenant l’apparence du clown Grippe-Sou, plus communément appelée Ça.

Avant de démarrer, il faut préciser quelques petites choses. Tout d’abord, le film est une réadaptation du livre de Stephen King, et non un remake du téléfilm de 1990 réalisé par Tommy Lee Wallace. Donc, les comparatifs entre les deux adaptations sont tout à fait faisables (prestations différentes entre le Ça de 1990 (Tim Curry) et celui de 2017 (Bill Skarsgård), époque modifiée (années 50 pour le téléfilm et les années 80 pour le film), scènes changées, etc.). Il sera donc soulevé quelques changements notables dans l’article, mais sans tenter de définir quelle adaptation se vaut par rapport à l’autre. Il s’agit de deux visions de deux réalisateurs différents et personnellement, je pense que les deux peuvent tout à fait être visualisées dans le but de découvrir les contextes de ces deux époques. Un peu comme si nous avions affronté Ça comme enfant avec la version de 1990… et qu’il nous fallait maintenant remettre le couvert avec celle de 2017.

Commençons avec le Club des Ratés. Bill (Jaeden Lieberher) est le leader du groupe. Bégayant, et parfois timide, il est convaincu que son petit frère et encore en vie. Il embrigade donc ses amis dans des recherches qui vont leur coûter très cher. Richie (Finn Wolfhard) est le déconneur de la troupe. Armé de ses blagues incessantes et de ses imitations, il n’est pas relégué à un simple rôle comique mais s’avère beaucoup plus profond que cela. Ce jeune acteur ne doit pas vous être inconnu vu qu’il a récemment joué dans la série Stranger Things dans l’un des rôles principaux. Stan (Wyatt Oleff) est le plus terre à terre de tous. Bien que se retrouvant aux prises avec un immonde portrait devenu vivant, il peine à croire que tout ce qui arrive est réel et devra être souvenu par le reste de l’équipe. Eddie (Jack Dylan Grazer), hypocondriaque affublé d’une mère surprotectrice, va se retrouver face à l’une des apparences les plus repoussantes de Ça. Ben (Jeremy Ray Taylor) est le petit nouveau à Derry. Il effectue des recherches sur la ville et c’est lui qui sera à la base de plusieurs révélations sur Ça, sans compter qu’il va grave morfler avec la troupe du terrible Henry Bowers. Beverly (Sophia Lillis) est la fille du groupe. Entrant dans l’adolescence, elle fait tourner la tête de tous les garçons du Club. Elle vit avec un père abusif et sa réputation de fille facile complique radicalement les choses. Mike (Chosen Jacobs) est un jeune afro-américain travaillant dans une boucherie avec son grand-père suite à la mort tragique de ses parents. Ne trouvant pas sa place à Derry, il va finir par la dégoter au sein du Club des Ratés. Tous ces jeunes acteurs possèdent un talent non négligeable, nous faisant passer du rire aux larmes et nous offrant des prestations fortement sympathiques. La cohésion entre tous fonctionne admirablement bien et l’effet de groupe ne les rend que meilleurs. Même s’ils en ont le nom, ils sont loin d’être des ratés.

Nous avons également une prestation de fou de Nicholas Hamilton dans le rôle d’Henry Bowers. Ce jeune sociopathe est la seconde menace après Ça, possédant un don inné pour le sadisme qui mettra à mal plusieurs membres du Club des Ratés. Le petit Jackson Robert Scott est Georgie, le frère de Bill. Apparaissant à quelques occasions, il parvient sans mal à nous attendrir… ou nous effrayer. Javier Botet, connu pour ses rôles dans [REC] ou Mama (tiens, tiens…) joue ici le Lépreux qui s’en prend à Eddie. Globalement, le casting est impeccable et jusqu’ici, il ne souffre de rien de particulier.

Et comment parler des acteurs sans mentionner le personnage totalement hallucinant de Grippe-Sou, aussi connu sous le surnom de Ça, et jovialement interprété par Bill Skarsgård. Passant de la folie à la rage en faisant un détour par la douceur et le rire, le clown possède une capacité de capter notre attention dans le but de mieux nous attraper par la suite. Visuellement effrayant, plus combattif que jamais, l’interprétation de ce jeune acteur envoie du lourd et obtient, sans problème, le prix d’un des meilleurs monstres de cinéma du 21ème siècle.

Remettons les choses dans leur contexte. Si, dans le livre, le passage avec les enfants se déroulait dans les années 50, nous sommes ici en 1988 puis 1989. Ces dernières années, on nous ramène facilement dans le passé à grand coup de DeLorean (Super 8, Stranger Things) pour mettre en scène des enfants dans des situations complexes. Sans doute un vent de nostalgie souffle-t-il sur le cinéma actuel, permettant ainsi à ceux de cette génération de revivre des moments forts de leur enfance. Quoiqu’il en soit, la transposition dans les années 80 ne pose aucun souci, au contraire ; elle embellit l’histoire et nous projettera, lors du prochain chapitre, directement dans notre présent.   

Tout sent bon les années 80, jusque dans les détails ; les panneaux de cinéma affichent des films bien connus (Batman, L’Arme fatale 2, Freddy 5) ; les vêtements et les looks sont top vintage (mention spéciale à la coupe mulet d’Henry) ; et plein de détails font du bien (mention de Superman à la pharmacie, style des panneaux publicitaires, décors en général). Pour tous les amateurs de ces années-là, c’est une beauté absolue.

Maintenant que le décor est posé, qu’en est-il de l’histoire ? Pour ceux qui connaissent le roman et/ou le téléfilm de 1990, il y aura quelques modifications. Cependant, pour les néophytes de Ça, tout sera aisément compréhensible et tout s’enchaînera sans temps morts. Les scènes avec les enfants permettent de donner une profondeur aux personnages et les instants de flippe ponctuent régulièrement une timeline bien rodée. Pour ceux qui connaissent bien l’histoire du livre, quelques clins d’œil sont à noter comme la mention de la possible présence de la tortue Maturin dans l’eau de la carrière, représentée ensuite par l’un des jouets se trouvant dans la chambre de Georgie. Cet animal, dans l’histoire, est représenté comme étant l’ennemi naturel de Ça. Donc, il y en aura pour tout le monde ; pour les nouveaux venus à la fête comme ceux qui y étaient déjà depuis belle lurette.

On a parfois l’impression que certains passages jouent sur la simplicité en lieu et place de pouvoir instaurer quelque chose de plus intelligent. Le coup du baiser dans l’antre de Ça est particulièrement étonnant. Prévisible au possible, on peine à comprendre pourquoi les choses se passent ainsi. Etait-ce pour illustrer une scène inadaptable du livre se déroulant dans les égouts (ceux qui ont lu le bouquin voient sans doute de laquelle je veux parler) ? Quoiqu’il en soit, ce genre d’entorse n’est pas légion et bien que l’on ricane quelques fois, cela ne péjore pas la qualité globale du métrage.  

Le film se suivant sans peine, avec de bons acteurs, le tout emballé dans une ambiance eighties des plus planante, qu’en est-il du facteur trouille ? La tension est présente dès le début du film. La scène d’ouverture avec Georgie, narrant sa rencontre avec le clown, va directement nous mettre dans le bain. Ensuite, nous flotterons sur un océan de scènes maîtrisées, apportant à nos nerfs raidissements et sursauts. Pourtant, on peut regretter l’utilisation parfois facile des jump scares, balançant des images surprenantes à grands renforts de sons tonitruants. Il existe cependant un équilibre entre la tension en elle-même et ce type de scène. Les sursauts étant pleinement intégrés à l’histoire et non utilisés juste pour « faire peur », il est donc pardonné à Monsieur Muschietti d’en avoir parsemé plusieurs dans le métrage.

Et le clown, dans tout Ça ? Eh bien, Grippe-Sou (Pennywise en VO) est finement interprété par Bill Skarsgård comme mentionné plus haut. Moins coloré que son prédécesseur, n’en reste qu’un soin particulier a été apporté au costume ainsi qu’au maquillage. On y retrouve des éléments de plusieurs époques (Moyen-âge, Renaissance, Elisabéthaine et Victorienne), donnant au clown une intemporalité non négligeable au vu de ses origines et de ses pouvoirs. Plus bestial et inhumain, Ça se plie et se déplie comme un pantin dans sa boîte, joue avec ses proies et possède même une gamme d’émotions propres, renforçant le malaise et grattant la limite entre entité maléfique et être capable de ressentir quelque chose. Il est possible que l’on s’habitude à la présence du clown et qu’elle devienne moins dérangeante au fur et à mesure que le film avance. Mais ne vous inquiétez pas ; chaque seconde où Ça passe à l’écran reste délectable.

La grande force de Ça réside également dans sa capacité à prendre l’apparence des plus grandes peurs des enfants. Ainsi Eddie l’hypocondriaque se retrouve attaqué par un lépreux, Ben l’archiviste est poursuivi par un événement affreux de la ville de Derry et Beverly est face à ce qui va faire d’elle une femme. Pour Richie… sa plus grande peur… et bien… pas de bol. Vous verrez bien. Dans l’ensemble, Ça nous apporte nos peurs enfantines sur un plateau et nous nous voyons obligé de faire face à elles… pour notre plus grand plaisir. Le tout avec des effets spéciaux qui vont dans le détail (les yeux de Ça, des créatures dérangeantes et réalistes) et qui brisent parfois un peu les standards (la scène de la projection de diapositives). Pourtant, on bien dans le film et on accepte de prendre le joli ballon rouge même si l’on sait que nous avons de grandes chances de bondir de peur.

Le final du film se déroule de manière douce et calme, sur un fond de nostalgie. On s’attendait à quelque chose de plus couillu. Par exemple, une ultime apparition du clown pour nous mettre mal à l’aise avant l’allumage des lumières. Il n’en sera rien. En tout et pour tout, après les dernières retrouvailles du Club des Ratés et quelques échanges entre eux, l’apparition du titre surplombé par la mention « Chapitre Un » nous prouvera qu’une suite est bien prévue. Cette fin calme nous fait quitter la salle de projection satisfait… et impatient.

Bien plus qu’un simple film d’horreur, et tout comme Stephen King l’avait fait dans son livre, Ça traite du passage de la vie d’enfant à la vie d’adulte. Le fait de combattre ses peurs, de faire face à ses problèmes et de s’émanciper pour mieux se projeter dans l’avenir sont autant de thèmes présents que de métaphores se déroulant dans le métrage. La thématique de la fraction entre ces deux états (enfant et adulte) est au centre du récit, illustrant cela au détour de plusieurs scènes. Confrontés à leurs peurs et se divisant, les membres du Club pourront alors grandir et devenir plus matures, permettant ainsi de franches retrouvailles pour aller botter les fesses du clown. Ce n’est pas facile de grandir, surtout quand on a une entité millénaire et maléfique qui vous veut du mal. Bon, c’est sûr, ça aide.  

Pour résumer, Ça est bel et bien un bon film d’horreur. Le box-office n’avait pas menti et nous avons ici un magnifique métrage qui nous offre ce que nous étions venu chercher. Fans du livre de Stephen King, visionneurs du téléfilm de 1990 ou simples amateurs de cinéma, ne manquez pas cette occasion de vous faire quelques sursauts d’adrénaline. Des acteurs convaincants, des personnages profonds, des scènes flippantes, un clown terrifiant, un contexte appréciable, toutes les bonnes cartes sont entre les mains d’Andrés Muschietti pour devenir un très bon réalisateur de films horrifiques. Mais il faut l’attendre au tournant avec le chapitre 2 de Ça qui sortira… en 2019. Heureusement, nous n’aurons pas 27 ans à attendre ! 

Et vous, vous flotterez aussi ? 

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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