La maison au bout de la rue

En 2016, Channel Zero débarquait sur nos écrans selon un principe très simple ; la création d’une série où chaque saison serait inspirée d’une creepypasta. Pour rappel, ce mot quelque peu barbare désigne une histoire horrifique, type légende urbaine, diffusée sur Internet et agrémentée de divers médias (audio, vidéo, capture d’écran, etc.). La première saison illustrait le récit Candle Cove et son émission de télévision pour enfants dérangeante. Pour cette seconde saison diffusée en 2017, on change de décor ; le créateur de cette série, Nick Antosca, s’inspire de la creepypasta de Brian Russel intitulée, logiquement, The No-End House, et son histoire de maison hantée traumatisant ses visiteurs au plus profond d’eux-mêmes. Va-t-on être en PLS sur notre canapé ? Une histoire de maison hantée, n’est-ce pas too much ? Nick Antosca gère-t-il le monopole de la mise en images de creepypastas ? Qui sait, peut-être que si vous entrez dans cette maison, vous n’en ressortirez pas totalement indemne. ATTENTION : cet article contient des spoilers

Margot Sleator (Amy Forsyth) se remet difficilement de la perte de son père, terrassé par une crise d’allergie. Afin de se changer les idées, elle décide de suivre une bande d’amis se rendant dans un lieu très spécial ; la Maison Sans Fin. Il s’agit d’une maison hantée, apparaissant une fois par année dans un nouvel endroit, et signalant son arrivée par des messages étranges via les téléphones portables. Les quatre amis s’y rendent, pénètrent dans l’inquiétante bicoque… et le cauchemar peut démarrer.

Actrice canadienne déjà aperçue dans le film Torment, Amy Forsyth a tout de la jeune femme dévastée par la mort de son père. Dans le but de ne pas s’enliser dans son propre chagrin, elle part avec ses amis pour la Maison Sans Fin. Tout au long des épisodes, cette actrice nous offre une prestation à la fois empreinte de tristesse, mais aussi de détermination. Chouette rôle. Il en est de même pour son père John, interprété par John Carroll Lynch. Cet acteur, possédant une tête inspirant confiance mais pouvant céder à la folie à tout moment, joue impeccablement le rôle du patriarche de famille aimant… et du papounet potentiellement dangereux qu’il devient par la suite. A eux deux, ces rôles sont le point central de cette seconde saison.

Mais il ne faut pas oublier la bande de potes de Margot qui sont, eux aussi, bien dans le tir. Aisha Dee est Jules, la meilleure amie de Margot, ne supportant pas la tristesse grandissante de celle-ci et devenant, au fil des épisodes, le courage à l’état pur. L’énigmatique mais sympathique Seth est joué par Jeff Ward. Rencontré dans un bar, le beau gosse fait rouler les yeux de la jeune Margot et s’embarque dans l’aventure de la Maison Sans Fin avec le reste de l’équipe. Pas bien dans sa peau et manquant de confiance en lui, J.D. est interprété par Seamus Patterson. Bien dans le tir, quoique un peu effacé, on aurait aimé un peu plus de présence à l’écran, surtout qu’il est à l’origine de la découverte de la Maison Sans Fin. Pour finir, Dylan (Sebastian Pigott), sac au dos, est à la recherche de quelqu’un dans cette terrible demeure.

Tout comme dans la première saison, il n’y a pas une blinde de personnages, ce qui permet d’aller relativement en profondeur pour chacun d’entre eux. Les centraux (Margot et son père) auront un développement conséquent, et les autres nous présente des histoires avec leur lot de malheurs ; J.D. et ses petits soucis, Dylan et la recherche de son épouse, Seth et ses secrets et Jules ayant une relation compliquée avec sa mère. Niveau persos, il y a de quoi faire. 

Six épisodes en tout et pour tout dans cette seconde saison… tout comme la précédente. En si peu de temps, y a-t-il moyen de développer un scénario cohérent ? Eh bien… oui, même si ce dernier surprend par sa manière abrupte de nous lancer dans l’histoire. Le concept de la Maison Sans Fin est simple ; six pièces, chacune confrontant ses « invités » à un de leurs traumatisme. A chaque pièce, ils peuvent choisir de continuer ou de sortir. Avec un pitch comme celui-là, on se frotte les mains.

On démarre cette seconde saison avec les protagonistes qui débarquent dans la baraque, se farcissent cinq pièces… et décident d’en sortir. Là, on se dit qu’on s’est fait avoir, pensant qu’il y aurait au moins un épisode par pièce. Et puis, tout s’éclaire ; l’extérieur ne se trouve pas forcément dehors, car tout comme le TARDIS d’un certain Docteur, c’est plus grand à l’intérieur que ça n’y paraît de l’extérieur.

Et là, les rebondissements commencent. L’improbable est le maître-mot de cette saison, nous mettant dans des situations plus terribles les unes que les autres. Margot et ses amis n’ont pas vraiment quittés la maison, et il faudra qu’ils trouvent un moyen de se tirer de là avant que la bâtisse ne consomme tous leurs souvenirs. Car oui, élément de l’histoire intéressant, la maison est une sorte d’organisme vivant et se nourrit exclusivement des souvenirs des personnes s’y trouvant. Comment ?

Le procédé est, il faut le dire, assez vicieux et graphique. Les personnes créées par la Maison Sans Fin extraient les souvenirs des visiteurs en leur touchant la tête. Le souvenir se matérialise sous la forme d’une personne ou d’un objet, sortant d’une flaque noirâtre. Nous avons alors droit à des scènes gourmandes durant lesquelles les résidents permanents s’empiffrent goulûment de morceaux de corps remplis de sorte de fayots (ou d’œufs de poisson, c’est selon). Ovation à la scène dans le garage avec le papa de Margot. Bon ap’ !

Cette idée scénaristique met la série sur une bonne voie, donnant un ultimatum aux différents personnages, ces derniers ne pouvant pas rester ad aeternum dans la bicoque sans perdre l’intégralité de leurs souvenirs. C’est alors que nous sommes pris dans la tourmente, épisode après épisode, suivant les mésaventures de ces jeunes qui voulaient juste faire un tour dans une maison hantée de fête foraine, et qui se retrouvent aux prises avec leurs propres démons.

Niveau image, on apprécie la beauté de certains plans, jouant toujours avec nos nerfs, ne montrant que ce qu’il faut montrer pour que notre imagination fasse le reste. On note aussi une bonne mise en place des détails, à l’instar de ce chiffre « 6 » sur la baraque de Margot après sa sortie de la Maison Sans Fin, ou encore ces œufs qui reviennent automatiquement dans le frigo. Dans No-End House, chaque détail à son importance et c’est très bien mis en scène.

Et dans Channel Zero, y’a des trucs qui font peur ? La première saison n’était pas avare en matière horrifique. Cette seconde saison mise beaucoup plus sur l’ambiance. Même si les fringales nocturnes de papa Sleator sont visuellement crues (sans jeu de mots), ici, on essaie de piéger le spectateur dans la maison avec le reste de la bande… et ça fonctionne. La mise en image d’éléments étranges aide beaucoup à la chose. On peut noter cette cage se trouvant dans une impasse, les indices comme quoi sortir de la maison n’est pas une mince affaire, et les résidents permanents affamés, principalement lors de l’expédition de la petite équipe pour trouver la porte de sortie.

Le spectateur est donc dans cette fichue baraque avec cette sympathique équipe. Les enjeux des différents personnages sont présents, instaurant une ambiance particulièrement tendue, même dans des scènes qui devraient faire larmoyer. Les retrouvailles de Margot et de son papounet deviennent alors un élément de tension en lieu et place d’une scène de bonheur. La manière dont les choses sont amenées ne part jamais dans le ridicule, mais pose un constat plus humain, plus réel, même si tout ce qui se trouve autour des personnages ne l’est pas vraiment. 

Et puis, il y a les protagonistes et leurs propres intrigues. C’est alors que nous voyons Seth, jeune et dynamique, devenir de plus en plus inquiétant jusqu’à une révélation qui laisse baba sur ses réels agissements au sein même de la Maison Sans Fin. Et puis, ce magnifique dernier épisode qui parvient habilement à mélanger angoisse, révélations, larmes et sursauts. Il faut le dire, No-End House est prenant sur la majorité des points soulevés durant cette seconde saison.

Il y est question du deuil, de l’acceptation de la perte d’un être cher, de l’acceptation de soi. La Maison Sans Fin fonctionne un peu comme un psy sadique, mettant les visiteurs face à leurs pires traumatismes et les forçant à y faire face. Si on parvient à ressortir vivant de cette terrible épreuve (la pièce n° 6), la vie peut continuer. C’est ainsi que se termine cette seconde saison, sur un ton optimiste tout en conservant le fait que La Maison Sans Fin existe toujours… et qu’elle peut apparaître n’importe où pour faire de nouvelles victimes.

Des demi-victimes, plutôt, vu que le processus de la maison est de pomper les souvenirs de ses visiteurs dans le but de leur faire oublier leur plus profond traumatisme. A ce titre, ce qui blesse réellement Margot (la mort de son père, qui aura d’ailleurs une explication bien vue et passablement larmoyante) est le souvenir qui peut être retiré en dernier. Comme si la seule chose dont on pouvait se rappeler, c’était ce qui nous fait le plus mal. En partant de ce postulat, oui, c’est clairement horrifique.

Les creepypastas sont légion sur Internet et il en reste encore beaucoup à exploiter. Cependant, cette seconde saison de Channel Zero tient ses promesses ; un scénario bien ficelé, une idée originale, une mise en image impeccable, des acteurs bien dans leurs baskets ; il reste très peu de négatif à en ressortir. On peut marquer un rythme posé, voire contemplatif, qui peut faire durer certaines scènes, cela permettant également de mettre un niveau de tension acceptable. Et puis, il y a aussi quelques raccourcis pris (la finalité de l’histoire semble se dérouler à 200 à l’heure), mais rien qui vienne ternir le plaisir de voir cette série.

Channel Zero continuera de faire parler d’elle, c’est certain. En établissant un scénario comme celui-là en partant de l’histoire The No-End House de Brian Russel (que je vous conseille de lire), un beau travail a été fait, sans tomber dans le n’importe quoi ou le piège facile de faire une bête trame de maison hantée. Conseillé à tous les travailleurs dans l’immobiliers et aux fans de séries horrifiques intelligentes, cette seconde saison met du baume au cœur dans un monde où faire peur commence à devenir vraiment compliqué.

En parlant de ça, quelqu’un sait où se trouve la sortie ?

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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