Pas loin du vide

En 2014, une série de six numéros de comics voit le jour ; The Empty Man, de Cullen Bunn et Vanesa R. Del Rey, le tout publié par Boom! Studios. Une nouvelle série de huit numéros débarque entre 2018 et 2019, continuant la narration de cette étrange « contagion » liée à cette entité pour le moins glauque (Empty Man, donc)… et un film est adapté en 2020. Le réalisateur David Prior signe ici son premier long métrage de fiction horrifique, paraphant également le scénario. Qu’est-ce que cela va donner ? Va-t-on se retrouver avec plein de vide sur les 137 minutes de film ? L’adaptation est-elle réduite à néant ? S’attendre à rien pour avoir quelque chose vaut-il la peine ? On se remplit se bonne volonté et on se lance dans le visionnage. ATTENTION : de légers spoilers sont probables

En 1995, au Bhoutan, quatre amis randonneurs font une rencontre pour le moins terrifiante.

En 2018, James Lasombra (James Badge Dale), ancien flic, vient en aide à une amie pour retrouver sa fille disparue. Il doit alors se confronter à un culte étrange vénérant un certain « Empty Man » ou Homme Vide. Pour compliquer les choses, il parvient difficilement à faire le deuil de sa femme et son fils, décédés il y a un an dans de tragiques circonstances. La folie peut-elle plus facilement s’emparer de lui ?

Le film débute par une superbe photographie nous plongeant dans les sommets du Bhoutan avec quatre randonneurs, tout content de se trouver sur place. Une chute imprévue et une rencontre avec un squelette étrange plus tard, ils se réfugient dans un baraquement pendant une tempête sans savoir que les choses vont devenir passablement terrifiantes. Fin de l’intro, affichage du titre ; on en est à vingt minutes de visionnage… et ça commence bien.

Puis, on fait la connaissance de James Lasombra, ex-flic reconverti en gérant d’un magasin de sécurité, qui doit gérer sa vie du mieux qu’il peut suite à la mort tragique et inattendue de sa femme et de son fils. Ce père en deuil donne un coup de main à une de ses amies, Nora (Marin Ireland), pour retrouver sa fille Amanda (Sasha Frolova), disparue depuis peu après avoir laissé un message ensanglanté sur un miroir précisant que « Le Empty Man me l’a fait faire ».

Et c’est parti pour une enquête sur fond de légende urbaine pour adolescent où il est possible d’invoquer l’Homme Vide en soufflant dans une bouteille du même acabit sur un pont, après quoi ce dernier met trois jours avant de vous mettre le grappin dessus. L’histoire se construisant, on en arrive à une étrange communauté, Pontifex, prônant une manière de vivre différente… et une dévotion complète à un certain « Empty Man ».

Rebondissements, intrigues, suspense, insertion de personnages, subtilités, apparitions surprises ; après tout cela, le film instaure un final perturbant tout en réussissant à remplir les dernières minutes avec juste assez de révélations pour permettre une ultime image que nous appréhendions depuis un bon moment. Avec un peu de jugeote, facile de voir dans quelle mesure le scénario va tourner.  

Bon, par quoi commencer ? Les acteurs sont bien dans leurs rôles et nous gratifient de personnages travaillés et torturés. James Badge Dale (Band of Brothers, Iron Man 3, World War Z) est convaincant dans son interprétation du père de famille brisé, cherchant par tous les moyens la rédemption de son erreur le jour de la mort de sa femme et de son fils. En outre, Sasha Frolova, (la jeune Amanda disparue) pourtant peu présente, dégage assez de mystère pour nous intriguer et nous mettre dans l’ambiance. Grosso modo, toute l’équipe fait son travail.

La photographie est impeccable d’un bout à l’autre, commençant le métrage par les paysages montagneux du Bhoutan, passant ensuite dans l’atmosphère citadine anxiogène d’une grande ville, tout cela en nous baladant entre lieu de culte exigu et couloirs d’hôpital vides et oppressants. Du bon travail en somme.

Mais le film souffre tout de même de plusieurs… blancs. Tout d’abord, il faut mentionner que ce qui est repris du matériau original, ce n’est que la base de l’histoire. Cela est acceptable dans le sens où la légende même de l’Homme Vide est relativement sauve. Cependant, quand on voit l’histoire des comics et où elle conduit, on se demande comment le chemin du film a pu se faire sur une route passablement différente.

Autre variante non négligeable ; le côté horrifique. En prenant simplement le film en considération, nous nous trouvons plus dans un thriller surnaturel bien huilé, aux rebondissements multiples. Par contre, si l’on s’attend à avoir les scènes trash et perturbantes des comics, il faudra repasser. Ici, pas de peau accrochée au mur, ni de visualisation de toutes les horreurs que le Empty Man fait faire à ses victimes. Ça reste très gentillet pour un film qui pouvait, de par son sujet, aller beaucoup plus loin.

« Pourquoi aller plus loin ? » me demanderez-vous ? Simplement parce que les thèmes traités sont sujets à cela ; le deuil, l’anxiété, la culpabilité et surtout la folie. Le cheminement suivit par l’ex-flic a tout d’une descente aux Enfers… mais nous n’en avons pas réellement l’impression lors du visionnage. Avec un ton plus viscéral, ce concept aurait sans doute mieux passé.

Malgré cela, le scénario présenté fait que l’on s’attend à beaucoup de choses… qui se produisent effectivement. Pour les plus affutés, je pense qu’au bout de moins d’une heure de visionnage, vous pouvez déjà vous attendre à une certaine finalité… qui tombera sans doute juste. Qui plus est, le Empty Man en lui-même reste extrêmement soft, ralliant tous les méchantes entités affublées de loques flottant au vent que l’on a pu voir ces dernières années.

Durant le visionnage, j’ai également eu plusieurs réminiscences d’autres métrages du même type, preuve que la base des comics a légèrement été dirigée autrement. L’histoire du Empty Man m’a renvoyé au concept du Bye Bye Man ; le ton sombre et déroutant de l’enquête à des films comme Dark City ; et la manipulation effectuée par la communauté Pontiflex ainsi que le final à un relent de La secte sans nom.

Quoiqu’il en soit, même s’il comporte des aspects sympathiques non négligeables, comme le fait de ne pas faire dans la simplicité d’un banal film d’horreur (encore que, l’histoire de la bouteille, moi, ça m’a cassé ma joie), The Empty Man reste relativement vide. Beaucoup à montrer, beaucoup à dire mais peu qui va rester gravé dans notre mémoire. Même si le concept du film permet de tirer par mal de conclusions philosophiques, morales ou psychologiques, après plus de deux heures de visionnage, on n’a pas envie de réellement déclencher le débat.

S’échappant quelque peu de l’histoire de base, osant aller loin mais pas trop et possédant pourtant un chouette casting ainsi qu’une forme bienvenue, The Empty Man n’a pas rempli mon cœur d’une empathie débordante. Il reste un film sympathique pour tous les aficionados des enquêtes surnaturelles mais ne convainc pas dans son ensemble. Un deuxième opus pourrait-il corriger un peu le tir ?

Pour rappel, les bouteilles vides sont à recycler dans la benne à verre.  

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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