Secret de famille

Un film d’horreur espagnol réalisé par le tout neuf Sergio G. Sánchez avec Anya Taylor-Joy au casting ? Il était hors de question de passer à côté ! On le sait, l’Espagne sait manier la caméra et l’angoisse quand il s’agit de réaliser un film horrifique, alors pourquoi s’en priver ? Et même s’il s’agit-là du premier long métrage de son réalisateur, qu’importe ; on se laisse volontiers avoir. Seulement, le synopsis a l’air de mélanger pas mal de choses et l’histoire semble un peu vue et revue. Est-ce que les doutes sont fondés ? Y aura-t-il de la consistance ? Va-t-on avoir de la moelle dans cet os à ronger ? Entre twist et fantaisie, essayons de décortiquer cette affaire. ATTENTION : cet article contient de potentiels spoilers

En 1969, une famille arrive fraîchement aux Etats-Unis pour vivre dans la maison Marrowbone, d’où ils tirent leur nouveau nom. La mère, Rose (Nicola Harrison), dit à ses enfants qu’à partir de maintenant, tout leur passé n’existe plus et qu’ils doivent prendre un nouveau départ. Peu après, Rose décède non sans faire promettre à son aîné Jack (George MacKay) de ne divulguer son décès à personne avant ses 21 ans, âge auquel il pourra s’occuper légalement de ses frères et sœurs. Un visiteur inattendu, une demeure hantée, un sombre secret dans le grenier ; les enfants Marrowbone ont bien des choses à gérer.

Le casting présenté est alléchant et à juste titre. Jack (George MacKay) est un grand frère protecteur et réfléchi. Billy (Charlie Heaton, présent notamment dans Stranger Things) se trouve être impulsif, déterminé et prompt à prendre les armes. La grande sœur Jane (Mia Goth) s’occupe principalement du petit dernier Sam (Matthew Stagg), âgé de seulement cinq ans. Tout ce petit monde fait la connaissance d’Allie (Anya Taylor-Joy), bibliothécaire de son état et impeccable dans son rôle.

Le problème ici ne découle pas des acteurs qui font leur travail avec brio et sont dans la ligne de tir de ce qu’il leur est demandé. Chacun possède son caractère, ses doutes, ses peurs et le tout se mélange avec une certaine saveur. Il y a cependant une impression parfois désagréable, comme si l’écriture des personnages avait été bâclée et qu’il ne fallait pas trop les creuser. Pour près de deux heures de film et même avec la fin qui nous est proposée, il aurait été intéressant d’aller un peu plus loin surtout que le nombre de protagonistes n’est pas énorme. A ce titre, Allie et Tom (Kyle Soller) s’en tirent bien car n’étant pas rattaché directement à la famille Marrowbone, leur normalité est un point d’ancrage non négligeable du récit.  

Le film démarre et on apprend à connaître les différents membres de la famille. Une nouvelle maison, un nouveau pays, une nouvelle vie. Ils fuient quelque chose, c’est certain ; mais quoi ? On découvre rapidement le pot-aux-roses (du moins, on le devine) et on se dit que tout va forcément partir en couille. C’est chose faite avec le décès de la mère et l’arrivée impromptue d’un visiteur inconnu. A partir de là, c’est une routine qui est mise en place par les enfants pour que personne ne mette à jour leur secret.

S’ensuit un dédale scénaristique tout à fait standard avec visites de Tom (notaire de son état), bruits étranges dans la maison et miettes de pain sur le pourquoi du comment. D’ailleurs, si on est un aficionado de ce genre de film et que l’on écoute bien ce que disent les enfants dans la première partie du métrage, on se doute bien de la finalité de l’histoire. Un point qui n’est pas dérangeant en soi vu que la révélation finale donne tout de même un bon petit coup dans l’estomac.

Car ici, plein de choses se mélangent pour tenter de donner une consistance différente de celle des autres films de genre. Nous nous trouvons dans une maison hantée, dans un cadre bucolique, les miroirs couverts par d’épais draps dans le but de ne pas laisser un fantôme passer. Les bruits au grenier suggèrent clairement une mauvaise présence dans la bâtisse et notre cerveau se met alors à mettre au point plusieurs théories pour expliquer tout ça.

L’ambiance est donc importante dans un tel film. Une maison paumée au milieu de nulle part, des bruits incongrus, une histoire de famille atroce, il y a de quoi faire pour nous mettre en situation de tension constante. Et pourtant, malgré une mise en scène soignée, des plans fabuleux (ah, l’imagerie espagnole) et des acteurs cossus, pas vraiment d’horreur à décréter, le passage le plus pénible étant sans doute la mort de Fripouille.

Bon, j’exagère un peu car dans la révélation finale, nous avons notre lot de sensations fortes apportant un peu de baume (et de stress) à notre petit cœur. La toute fin du film est curieusement optimiste voire étrange, mais colle admirablement au reste du métrage. Non, ce qui empêche Le Secret des Marrowbone de se hisser au rang de « très bon », c’est clairement l’ambiance.

Malgré une famille au passé affreux et une maison qui a tous les atouts pour nous faire passer une nuit d’angoisse, on sursaute rarement et les scènes où la tension devrait nous crisper les muscles ne fonctionnent qu’à titre indicatif. Là où le scénario aurait pu emmener le spectateur par le bout du nez à grand renfort de stress durant visionnage, on tombe un peu pantois devant un défilement de scènes qui aident à l’histoire mais pas à la tension. Un bon vieux drame familial horrifique, en somme.

Surfant sur le thème de la psychologie tout en insérant des événements dramatiques dans le sillage familial, le film utilise les grands standards de ce siècle pour nous faire passer par divers états. Le constat final est que l’amour familial (principalement entre frères et sœurs) ne connaît aucune frontière et que l’amour entre deux personnes (couple) non plus. Un bien belle morale qui va adroitement se glisser comme totalement cohérente avec le reste. Le Secret des Marrowbone est comme une fresque sur le mur, présentant en images une vie de famille pénible qui peut prétendre à des lendemains meilleurs.

Se voulant ouvertement psychologique, ce drame a le mérite d’essayer de nous placer plusieurs twists en son centre afin de ne pas totalement rester dans les clous et oser aller un peu plus loin. Bien sûr, toutes les révélations du film peuvent être interprétées de manière à découvrir le final des événements, mais on remarque que le travail au scénario a été fait sur ce point-là et franchement, on apprécie.

Le Secret des Marrowbone n’est clairement pas un mauvais film. Au contraire, il est même intéressant de le visionner pour découvrir que le cinéma espagnol a encore du bon devant lui. Mais dans le cas présent, on note une standardisation un peu plus poussée que d’habitude, utilisant des artifices connus pour tenter de nous mener sans encombre d’un bout à l’autre. A voir au moins une fois ne serait-ce que pour retrouver des acteurs que nous apprécions et pour savoir, concrètement, quel est ce fameux « secret » de la famille Marrowbone.

Tel un os à moelle, il faut percer la surface pour trouver ce qui est bon. 

Derniers commentaires

13.06 | 05:23

Merci pour le concours

03.04 | 19:28

Merci, bonne soirée à tous. 😊🍀

22.03 | 14:38

super

22.02 | 21:57

En effet cher Critiker 😉 très bonne critique du film, qui me rappelle une discussion... devant la salle du ciné 😅 Mark Wahlberg si j'ose (il manque pas d'air le Beep... Enfin si, mais là c'est Mark)😱

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